Ahmed Rahhou : Le nouveau visage de la diplomatie marocaine

Ahmed Rahhou : Le nouveau visage de la diplomatie marocaine

 

Il aura pour mission de défendre les intérêts du Maroc auprès de l’Union européenne.

Rahhou devra convoquer toutes ses compétences pour faire face à une machine bureaucratique lourde et très complexe.

 

Par D. William

 

Au resto, on l’aurait certainement appelé «la surprise du chef». Des nominations qui ont eu lieu lors du Conseil des ministres du 7 février présidé par le Roi, celle de Ahmed Rahhou aura été sans aucun doute la plus frappante et la plus commentée.

Le désormais ex-PDG de CIH Bank se pare maintenant de la tunique d’ambassadeur du Maroc auprès de l’Union européenne. Un «fauteuil» laissé vide par Ahmed Réda Chami depuis qu’il a été nommé par le Souverain, le 3 décembre dernier, à la tête du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

CIH Bank est donc maintenant «orpheline» de Rahhou, celui qui a réussi ce que beaucoup de ses prédécesseurs n’ont pu faire : restructurer et redresser une banque engluée dans de profondes difficultés financières, au point que certains envisageaient sa disparition du paysage bancaire national.

Après 10 ans à la tête de cet établissement bancaire (il le dirige depuis octobre 2009), dont le nom fut longtemps associé à gabegie, mauvaise gestion et interminables processus de restructuration, il a su changer la donne. Dans la conscience collective, particulièrement pour ceux qui suivent l’actualité de cet établissement, CIH Bank rime désormais avec innovation et dématérialisation avancée des services bancaires. Elle a pu compenser sa taille relativement modeste par rapport à certains mastodontes de la place, par une stratégie de transformation digitale poussée, qui lui a non seulement permis de séduire une nouvelle clientèle, mais qui implique également une nouvelle façon de faire de la banque. Faisant ainsi de son slogan «La banque de demain dès aujourd’hui» du concret.

Bref, il a fait le job. Et du bon job. Pour beaucoup d’observateurs, et après tout le travail accompli, CIH Bank est désormais devenue «trop petit» pour lui. Il a besoin d’un challenge autrement plus important. Et le Souverain lui a, une nouvelle fois, fait confiance et tendu la perche en faisant de lui son ambassadeur auprès de l’Union européenne.

 

Grand écart

Quitter le monde bancaire pour embrasser la carrière de diplomate est forcément un grand écart. On ne lui connaît certes pas des talents de gymnaste, mais il a le charisme et les compétences nécessaires pour défendre dignement les intérêts politiques et économiques du Royaume auprès de l’Union européenne.

L’écrivain britannique Eric Linklatter disait à ce titre de la diplomatie que c’est «l'art de plonger dans des eaux troubles sans faire de ‘plouf’». Ahmed Rahhou jouit en tout cas d’un préjugé très favorable car, pour d’aucuns, il est parmi l’une des personnes les mieux placées au Maroc pour assumer cette fonction. Sauf qu’être ambassadeur auprès de l’UE est tout sauf simple. «Il ne s’agit pas d’un simple poste de représentation dans un pays.

"L’Union européenne est une machine bureaucratique lourde et très complexe, où se croisent nombre d’intérêts divergents», nous affirme un politologue. «Il faudra gérer des relations bilatérales, multilatérales et transméditerranéennes aussi importantes que complexes, et parfois très contradictoires», ajoute-t-il.

Rahhou en est-il capable ? Si l’on s’en tient au profil-type que nous a donné notre interlocuteur, il est effectivement taillé pour ce poste. «Il doit être à la fois technicien, bon intellectuel, ouvert, bon orateur, doté d’un certain sens du relationnel et, surtout, avoir un esprit d’analyse et de synthèse très pointu», fait savoir notre source. En d’autres termes, poursuit-il, «il doit être polyvalent et avoir un rapport à l’altérité simple».

La polyvalence de Rahhou ne souffre d’aucun débat. Sa capacité à capter l’attention d’un auditoire non plus. Encore moins son esprit cartésien et sa très grande culture générale.

Il devra donc convoquer tout son vécu et toute son expérience pour mener à bien ce nouveau challenge. Et pour ce poste hautement stratégique pour le Royaume, les enjeux sont multiples, avec cependant deux volets saillants : l’économique et le politique. L’économique, eu égard aux relations de partenariat fortes entre le Maroc et l’UE, symbolisées, entre autres, par l’accord agricole et l’accord de pêche. Et le politique, compte tenu du dossier relatif au Sahara marocain que tentent de travestir les ennemis du Royaume et les nombreux fantômes qui errent dans les couloirs de la Commission européenne et du Parlement européen.

Des chantiers importants pour le Maroc, qui nécessitent cependant un travail dans la durée. Car, conclut notre politologue, «les responsabilités importantes inhérentes à cette fonction nécessitent que l’on ne change pas d’ambassadeur régulièrement. Ce dernier doit avoir le temps de se constituer un bon carnet d’adresses, un réseau solide, voire faire du lobbying afin de pouvoir défendre au mieux les intérêts du Royaume». ◆

 


CIH Bank : Qui pour prendre la relève ?

Aujourd’hui, c’est la question que tout le monde se pose. Pour l’instant aucun nom ne circule. Procédera-t-on alors à une promotion interne ? Ça reste une possibilité.

Toujours est-il que le successeur de Ahmed Rahhou devra, au minimum, avoir la culture maison. Autrement dit, être un «Homo numericus» pour ne pas casser la dynamique enclenchée.

Dans la dernière interview qu’il a accordée en tant que PDG de CIH Bank, Rahhou résumait d’ailleurs assez bien à Finances News Hebdo sa vision de la banque de demain. «(…) Rien n’interdit de penser que l’instantanéité (de toutes les opérations bancaires, ndlr) devienne la règle, et nous espérons être un acteur majeur dans ce créneau au Maroc et vis-à-vis de l’étranger».

Son successeur devra donc s’inscrire dans cette vision.

 

 

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