Agence française de développement : «Nous soutenons une prospérité inclusive et durable au Maroc»

Agence française de développement : «Nous soutenons une prospérité inclusive et durable au Maroc»

L’Agence française de développement a engagé au Maroc une stratégie 2022-2026 fondée sur la durabilité, l’inclusion et la compétitivité. Avec une exposition globale de 3,5 milliards d’euros, le Royaume constitue aujourd’hui son premier pays d’intervention. En marge du Forum Choiseul Africa, Sandra Kassab, directrice Afrique de l’AFD, revient sur les priorités du groupe, son action dans les Provinces du Sud et les synergies entre le Maroc et l’Afrique.

 

Propos recueillis par R. Mouhsine

Finances News Hebdo : Quelles sont aujourd’hui les priorités de l’AFD au Maroc ?

Sandra Kassab : L’AFD intervient au Maroc depuis 1992. C’est relativement récent à l’échelle de l’institution, née en 1941, mais le pays est devenu notre premier terrain d’action, avec une exposition de l’ordre de 3,5 milliards d’euros. Nos interventions s’inscrivent en cohérence avec les priorités nationales de développement. Il s’agit d’accompagner la réduction des inégalités territoriales et sociales, de contribuer à l’amélioration de l’accès aux services essentiels et de soutenir la modernisation d’infrastructures durables. Notre action vise aussi à alimenter la prospérité économique, en favorisant l’emploi et l’entrepreneuriat, tout en tenant compte des impératifs liés à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique. L’ensemble de ces engagements est porté par les trois entités du groupe : l’AFD pour le secteur public, Proparco pour l’appui au secteur privé, et Expertise France pour la coopération technique.

 

F. N. H. : Vous soutenez plusieurs projets dans les Provinces du Sud. Quels en sont les objectifs ? La récente résolution de l’ONU consacrant le plan d’autonomie marocain rassure-t-elle l’AFD ?

S. K. : Notre action s’inscrit pleinement dans la dynamique de régionalisation avancée. L’AFD bénéficie d’un cadre juridique qui lui permet de travailler directement avec les régions marocaines et avec des opérateurs publics locaux. C’est une spécificité importante, puisque nous faisons partie des rares banques de développement habilitées à proposer des financements non souverains, ce qui facilite un ancrage territorial réel. L’objectif est de consolider les services offerts aux populations et de renforcer la création d’emplois. Nous accompagnons également les programmes de développement locaux et nous travaillons à améliorer l’accès à l’eau, à la santé et, plus largement, aux services sociaux de proximité. Dans une région aride, la gestion durable de la ressource hydrique occupe naturellement une place centrale. L’ensemble de ces interventions se trouve aujourd’hui en phase d’études et de préparation, afin d’identifier les projets les plus bénéfiques pour les habitants.

 

F. N. H. : Comment mobilisez-vous le secteur privé marocain dans vos programmes ?

S. K. : Le Maroc dispose d’un tissu économique dynamique, structuré et innovant. En tant que banque de développement, notre rôle n’est pas d’accompagner directement les entrepreneurs, mais de faciliter leur accès au financement. Nous privilégions l’intermédiation financière en travaillant étroitement avec les banques marocaines et en soutenant, via Proparco, des outils de garantie favorisant la prise de risque. Nous accompagnons également les grands acteurs économiques du pays, comme l’OCP, notamment dans sa trajectoire de décarbonation. Par ailleurs, nous intervenons dans le champ de l’innovation, à travers Digital Africa, qui propose des solutions de financement en equity destinées aux startups de la tech présentes au Maroc. Le campus de l’AFD, basé à Marseille, travaille aussi avec l’université Mohammed VI Polytechnique pour développer les compétences, encourager l’innovation et soutenir les incubateurs.

 

F. N. H. : Quels instruments innovants déployez-vous actuellement au Maroc ?

S. K. : Je plaisante souvent en disant que nous ne sommes jamais très innovants, car nous restons des banquiers, mais nous disposons pourtant déjà d’une palette d’outils diversifiée. Au-delà du financement de projets, nous intervenons au niveau des politiques publiques, un levier essentiel pour créer un environnement favorable au développement. Ces dernières années, nous avons par exemple accompagné un financement budgétaire dédié au budget sensible au genre, pour favoriser l’emploi et l’entrepreneuriat féminin. Nous préparons actuellement un nouveau prêt budgétaire consacré à l’eau et à l’irrigation, domaine stratégique pour le Maroc. L’objectif reste constant : toucher au plus près les acteurs de terrain et générer des impacts tangibles pour les populations.

 

F. N. H. : Le Maroc se projette de plus en plus sur le continent. Existe-t-il des synergies entre l’AFD et les entreprises marocaines en Afrique ?

S. K. : À l’AFD, nous croyons fermement à l’importance d’une intégration africaine plus forte. Le développement passe par des acteurs nationaux et régionaux solides, capables de proposer des solutions adaptées aux réalités locales. Nous sommes ouverts au partage d’expériences et aux partenariats avec les entreprises marocaines souhaitant travailler dans d’autres pays africains. Certaines d’entre elles n’ont pas nécessairement besoin de notre appui direct, mais d’autres peuvent en bénéficier. Nous collaborons notamment avec l’OCP et l’UM6P autour de programmes liés à la sécurité alimentaire, à la souveraineté alimentaire et à l’intégration des agricultures africaines dans les chaînes de valeur mondiales. Ces initiatives convergent avec de nombreux programmes que nous soutenons déjà sur le continent.

 

F. N. H. : Les bouleversements politiques en Afrique de l’Ouest et au Sahel ont-ils des conséquences sur vos activités ?

S. K. : En tant qu’opérateur public, nous évoluons parfois sur des temporalités différentes de celles des relations diplomatiques. Dans certains pays du Sahel central, il a été décidé de suspendre la coopération au développement, entraînant l’arrêt de nos activités. Cette suspension se fait cependant de manière ordonnée, afin d’assurer une clôture correcte des projets et de préserver la possibilité de reprise lorsque les conditions politiques le permettront. Nous restons un acteur de long terme et nous nous attachons à maintenir le lien. En République centrafricaine, par exemple, nous avons réussi à garder notre agence ouverte malgré les crises. Aujourd’hui, nous travaillons à consolider la paix. Pour les pays actuellement en suspension, notre priorité est de gérer correctement les engagements existants et de préserver la relation afin de rouvrir le champ de la coopération lorsque le contexte le permettra, au bénéfice des populations.

 

Les actions de l’AFD au Maroc
L’Agence française de développement est aujourd’hui le premier partenaire bilatéral du Royaume. Son engagement repose sur une enveloppe d’environ 3,5 milliards d’euros, mobilisée au service des grandes priorités nationales. L’AFD accompagne notamment la réduction des inégalités territoriales et sociales, l’amélioration de l’accès aux services essentiels et la modernisation d’infrastructures durables. Elle soutient également les politiques publiques en faveur de l’emploi et de l’entrepreneuriat, en particulier celui des femmes, ainsi que les initiatives allant vers la transition climatique et l’adaptation aux effets du changement global. L’action du groupe s’exerce à travers ses trois composantes : l’AFD, dédiée au secteur public; Proparco, qui appuie le secteur privé et favorise la prise de risque via des mécanismes financiers adaptés; et Expertise France, chargée de la coopération technique. Cette organisation permet de proposer un accompagnement à la fois financier, institutionnel et opérationnel, capable d’adresser des enjeux allant de la décarbonation d’acteurs industriels majeurs aux projets d’innovation portés par les startups. Dans les Provinces du Sud du Royaume, l’AFD œuvre à la modernisation de ports artisanaux, à l’élaboration de programmes de développement local et au renforcement de l’accès à l’eau, à la santé et aux services sociaux, au plus près des besoins des populations.

 

 

 

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