Pour vaincre l’informel et les transactions illicites, les dispositions fiscales restent insuffisantes. Le Centre monétique a situé cette problématique au coeur de sa stratégie. D’autres voies sont à explorer : dans certains pays, les commerçants sont obligés légalement de se doter de terminaux de paiement…
Dans un contexte empreint d’incertitudes, la lutte contre le paiement au comptant de sommes importantes (le ratio paiement/retraits cash sur GAB ne dépasse guère 7% au Maroc) est toujours d’actualité. En dehors des dispositions fiscales contenues dans les dernières Lois de Finances, le développement de la monétique s’avère des plus importants. A ce titre, le Centre monétique interbanciare (CMI) encourage le paiement magnétique afin de pouvoir lutter contre la fraude et généraliser l’utilisation des cartes bancaires dans les opérations de paiement.
Dans ce sillage, le Centre a réorienté sa stratégie, depuis trois ans, en mettant l’accent sur les commerces de proximité, à savoir les épiceries, pharmacies, médecins, pressings, snacks et restauration rapide, boucheries, marchands de fruits et légumes…, afin de favoriser les petits paiements par les porteurs de cartes. Reste que malheureusement, le CMI se heurte à quelques contraintes pour élargir le réseau d’acceptants dans des secteurs où prédominent encore l’informel et le «noir». Et pour cause, nombre de ses prospects refusent toujours de s’équiper en Terminaux de paiement, pour éviter toute traçabilité de leur chiffre d’affaires sur leur compte bancaire.
Mais le CMI ne compte pas ralentir la cadence, dans la mesure où dans les prochains mois et années, le lancement par les banques des cartes sans contact et l’équipement par le CMI de près de 2.000 commerçants en TPE acceptant cette technologie, porteront certainement les fruits escomptés.
D’aucuns considèrent que les commissions prélevées par le CMI sont importantes et, du coup, refusent le paiement par cartes bancaires. Un fait que rejette en bloc le DG du CMI qui, sur nos colonnes, avait affirmé : «Malgré des baisses importantes du taux de commission auprès des commerces de proximité (la commission est de 0,9% HT pour les épiciers, boulangers, papeteries, …, 1% pour les superettes et 1,5% pour les pharmacies et médecins), nous n’avons pas constaté d’augmentation importante des chiffres d’affaires auprès de ces segments de clients».
Face à cette réticence et défiance des commerçants, n’est-il pas judicieux de rendre obligatoire l’usage des TPE (à l’instar des comptes bancaires) pour limiter le paiement cash et pour une meilleure traçabilité de l’argent ? Sous d’autres cieux, pour favoriser l’acceptation des paiements électroniques, il est obligatoire pour tout commerce de détail de s’équiper en terminaux de paiement préalablement à l’obtention de l’autorisation d’exercer.
Mieux encore, certains pays ont lancé la télédéclaration des transactions électroniques directement depuis le terminal de paiement à l’Administration fiscale, favorisant ainsi la transparence et la traçabilité des encaissements effectués par les petits commerces. Dans un contexte international très conflictuel où l’argent coule à flots, au profit même d’actes illicites et dangereux, le Maroc est appelé à faire preuve d’audace et de s’aligner sur les standards internationaux.
Soubha Es-Siari