Le gouvernement a dévoilé une nouvelle feuille de route 2025-2027 pour le commerce extérieur. Ce plan vise à renforcer les exportations marocaines en fixant trois objectifs principaux : 84 milliards de dirhams supplémentaires à l’export, 76.000 emplois directs à créer et 400 nouvelles entreprises exportatrices chaque année. Détails.
Par Y. Seddik
Il ne s’agit plus de simples ajustements, mais désormais d’un véritable changement de paradigme. Le gouvernement a officiellement présenté, mercredi à Casablanca, sa feuille de route 2025 2027 pour le commerce extérieur. Structurée autour de trois objectifs principaux (création d’emplois, élargissement de la base exportatrice et hausse significative du chiffre d’affaires à l’export), cette stratégie vise à faire du commerce international un levier structurant de la croissance économique du pays.
«Cette stratégie n’est pas sectorielle, c’est un projet de gouvernement», a affirmé Omar Hejira, secrétaire d’État au Commerce extérieur, lors de la cérémonie de lancement, en insistant sur la portée transversale de cette feuille de route, qui mobilise l’ensemble des ministères et acteurs publics concernés. Dans cette dynamique, la feuille de route fixe trois objectifs majeurs, à la fois économiques et symboliques.
Il s’agit d’abord de générer plus de 80 milliards de dirhams d’exportations supplémentaires sur la période, ensuite de créer quelque 76.000 emplois directs dans les secteurs concernés, et enfin d’élargir la base des exportateurs en intégrant environ 400 nouvelles entreprises chaque année. Au-delà des chiffres, ces cibles traduisent une volonté claire du gouvernement de repositionner le commerce extérieur comme levier de création de valeur et d’inclusion productive.
C’est Aziz Akhannouch luimême qui en a posé le cadre: «Notre commerce extérieur reflète la vitalité de notre tissu économique et notre capacité à nous intégrer dans les chaînes de valeur mondiales». Il s’agit, a précisé le chef de gouvernement, d’un levier de souveraineté productive et non d’un simple volet de politique économique. En effet, cette stratégie s’ancre dans les données et le terrain. Car si la progression du commerce extérieur est tangible, la marge reste bien plus considérable.
En 2012, les exportations marocaines plafonnaient à 185 milliards de DH. Elles ont atteint 455 Mds de DH en 2024. Pourtant, le potentiel inexploité est évalué à 120 Mds DH, selon les estimations officielles. Le Maroc ne pèse que 0,2% du commerce mondial, et 70% de ses exportations sont captées par l’Europe. Six secteurs à eux seuls concentrent 92% des flux sortants, principalement localisés entre Tanger et El Jadida, alors que 64% des importations du Royaume sont incompressibles (difficilement substituables à court ou moyen terme).
Face à ce constat, la nécessité d’un rééquilibrage s’impose. «C’est cette géographie fermée de l’export qu’il faut briser. Il faut aller vers l’équité territoriale», a plaidé Omar Hejira, en rappelant que cette feuille de route s’est basée sur les 524 recommandations issues de 17 concertations régionales qui ont associé chambres, fédérations, élus et entrepreneurs.
Six réformes transversales
Pour concrétiser ses ambitions, le gouvernement mise sur six axes transversaux. D’abord, la création de la plateforme «One Stop Store Export», un portail unifié pour orienter toute entreprise, quelle que soit sa taille vers les services publics, les incitations, les marchés cibles ou les instruments de soutien. Ensuite, le lancement d’un dispositif d’assurance-crédit à l’export, avec un budget initial de 100 MDH. Ce mécanisme couvrira jusqu’à 7,5 milliards de dirhams d’export additionnel par an, avec une priorité donnée aux destinations africaines.
Troisièmement, un accompagnement renforcé des entreprises, à travers un programme d’actions promotionnelles totalisant pas moins de 27 missions, ainsi que la création d’une société d’agrégation et d’exportation spécialisée dans le développement à l’export. Par ailleurs, le plan prévoit la généralisation de bureaux régionaux d’appui à l’export dans toutes les régions administratives du pays, pour briser le déséquilibre nord-centrique actuel et assurer une meilleure équité territoriale.
Cinquièmement, la stratégie s’appuie sur une digitalisation accélérée avec deux nouvelles plateformes : Trade.ma, pour la valorisation de l’offre exportable, et TijarIA, fondée sur l’intelligence artificielle pour accompagner les entreprises dans leur stratégie d’internationalisation. Enfin, le lancement d’un guichet national unifié du commerce extérieur marque une avancée majeure. Ce portail consolidera l’accès à l’ensemble des guichets et institutions impliquées (Tanger Med, ONP, banques, douanes, Office des changes…), avec une interface orientée utilisateur, simplifiée et intégrée.
Un écosystème à synchroniser
Au-delà des instruments, c’est tout un écosystème qu’il faut activer. Le tissu exportateur reste étroit : 6.000 entreprises, dont à peine 2.300 industrielles. En ligne de mire, un socle de 22 pays jugés prioritaires, 200 produits à fort potentiel identifiés, et un gisement de 12 milliards de dirhams ciblés sur le marché africain. Mais pour transformer l’essai, il faudra articuler cette feuille de route avec les autres leviers du développement : formation, compétitivité logistique, efficacité fiscale et stabilité réglementaire.
Dans ce sens, le commerce devient un fil conducteur entre réindustrialisation, diplomatie économique et souveraineté productive. Le pari est d’en faire un «secteur tremplin» pour les PME, souvent bridées par les coûts d’accès au marché international et une bureaucratie encore dissuasive. Le message est clair : l’État est prêt à «outiller» l’export. Mais sans l’implication du privé, rien ne sera pérenne. Omar Hejira ne s’en cache pas : «Aujourd’hui, la balle est dans le camp du secteur privé. L’État a mobilisé tous les instruments disponibles». À travers cette feuille de route, le Maroc affirme son choix de l’ouverture maîtrisée face aux tensions protectionnistes globales. Il revendique une place plus visible dans les chaînes de valeur internationales, sans renoncer à son ambition sociale. «Le navire de l’export est prêt à lever l’ancre. Reste à le charger de produits, à l’armer de compétences, et surtout, à ne pas rater la marée», conclut Hejira.