Alléger les goulets d’étranglement logistiques permettrait de réduire les coûts, d’améliorer la compétitivité hors prix et, surtout, d’inscrire plus solidement le «Made in Morocco» dans les chaînes de valeur mondiales.
Le secteur exportateur marocain avance à deux vitesses. D’un côté, l’écosystème mondialement reconnu de Tanger Med (10,2 millions de conteneurs et 142 millions de tonnes (MT) de fret en 2024, record historique) prouve qu’un hub portuaire intégré peut tenir la cadence des chaînes de valeur automobile ou aéronautique. Mais, à quelques centaines de kilomètres, une PME agro-industrielle peut perdre jusqu’à deux jours dans les bouchons d’accès aux quais et sur la route vers Casablanca. Selon Mordor Intelligence, la logistique représente près de 15% du prix départ-usine dans l’agroalimentaire et jusqu’à 10% dans l’automobile, limitant la compétitivité hors prix dans le monde.
Le marché pèsera 24 Mds de USD en 2025, mais cette croissance masque des goulets : tracasseries douanières résiduelles, ruptures d’intermodalité et pénurie de surfaces d’entreposage grade A. Un sujet qui se pose également au Maroc, notamment autour de Casablanca et Kénitra. Ces entrepôts grade A répondent à des normes strictes en termes de taille, de capacité et d’équipements. Ils sont conçus pour une gestion efficace des flux de marchandises.
Quatre leviers pour un transport fluide et peu coûteux
Le premier levier, selon les professionnels de la logistique, est de déverrouiller ce qui est appelé dans la logistique «le premier / dernier kilomètre», avec la création de minihubs routiers connectés aux échangeurs d’autoroutes, avec des créneaux de livraison nocturnes pour limiter la saturation urbaine. L’extension du réseau fret (embranchements industriels, wagons modulaires pour pièces auto) pourrait aussi réduire le coût kilométrique de 30% sur l’axe Tanger– Casablanca, à condition d’instaurer des slots fret dédiés de nuit sur la LGV.
Par ailleurs, depuis décembre 2024, les certificats de conformité sont désormais requis et payés directement par l’importateur via PortNet; le temps moyen de dédouanement pour un conteneur vert est tombé sous six heures.
Prochaine étape : intégrer la blockchain déjà testée pour le suivi température-humidité dans l’export horticole. Une autre pise est la création d’un barème indexé sur les performances (dwell-time, émission CO2) qui encouragerait les terminaux à investir dans l’automatisation des portes et dans des tracteurs électriques, tout en donnant de la visibilité aux chargeurs. Si les projets se matérialisent selon le calendrier gouvernemental, le coût logistique moyen pourrait passer de 15% à 9% du prix fabriqué, soit un gain de marge équivalent à deux points de TVA pour un exportateur. L’enjeu n’est pas seulement pécuniaire : il s’agit de donner de la profondeur à la réindustrialisation et d’arrimer durablement le «Made in Morocco» aux chaînes de valeur mondiales.