Le Maroc mise sur la digitalisation pour booster ses exportations. De l’e-commerce aux guichets numériques, les outils digitaux ouvrent de nouveaux débouchés, réduisent les coûts et permettent aux entreprises, même les plus petites, de se positionner sur les marchés mondiaux.
Le développement de l’ecommerce dépasse désormais le cadre du marché domestique pour devenir une véritable passerelle vers l’export, en particulier pour les PME et les coopératives. Les paiements électroniques connaissent un essor remarquable, ayant doublé entre 2014 et 2024 pour atteindre 5,5 milliards de dirhams l’an dernier, selon Bank Al-Maghrib. Cette progression est surtout portée par les transactions par virement, qui ont augmenté de 18% pour atteindre 3,4 milliards de dirhams à fin 2024.
Des chiffres qui illustrent un changement massif des comportements, auquel les exportateurs marocains s’adaptent avec rapidité. Le lancement officiel d’Alibaba. com au Maroc fin 2024 a marqué un tournant. Plus de 300 entreprises marocaines se sont inscrites sur la plateforme pour bénéficier d’une visibilité mondiale sur l’un des plus grands marchés B2B au monde. Ce partenariat, soutenu par l’Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE) et la Confédération marocaine des exportateurs (ASMEX), permet aux exportateurs d’accéder à plus de 48 millions d’acheteurs professionnels dans 200 pays.
D’autres plateformes B2B comme Export.gov, Tradekey, Go4WorldBusiness ou encore Madein-China sont également exploitées par les exportateurs marocains. Ces outils permettent à des entreprises d’atteindre des clients sans intermédiaires. Elles peuvent y présenter leurs produits agroalimentaires, cosmétiques, textiles ou artisanaux, avec des fiches techniques détaillées, des vidéos, et une interface de commande simplifiée. Le m-commerce (commerce mobile) devient lui aussi central. Environ 70% des achats en ligne au Maroc sont désormais effectués sur mobile, une tendance qui se généralise dans les échanges B2B internationaux. Les entreprises marocaines conçoivent donc des plateformes adaptées aux smartphones, intégrant paiement en ligne, suivi de commande et messagerie instantanée.
Marketing digital : faire rayonner le Made in Morocco
Être présent sur une plateforme de vente ne suffit pas. Encore fautil être visible, attractif et crédible. C’est là qu’intervient le marketing digital à l’international, devenu une priorité pour les exportateurs marocains. Grâce à des campagnes sponsorisées, du référencement naturel (SEO), du SEA (Google Ads), des vidéos YouTube ou des publications ciblées sur Instagram, LinkedIn et TikTok, les marques marocaines commencent à se différencier à l’étranger.
Certaines entreprises marocaines vont plus loin, en intégrant des influenceurs locaux ou internationaux pour promouvoir leurs produits, en créant des blogs multilingues, ou en participant à des campagnes collectives sectorielles (comme l’agroalimentaire bio ou le textile durable). Aussi, le marketing de contenu est en plein essor. Il permet de bâtir une image de marque, de fidéliser les acheteurs professionnels, et d’éduquer les consommateurs étrangers sur les spécificités des produits marocains. Le storytelling devient un outil de conquête à part entière.
PortNet : la colonne vertébrale numérique de l’export
La digitalisation ne concerne pas uniquement la vente, mais aussi toute la chaîne logistique, réglementaire et douanière. Depuis 2011, le Maroc a mis en place PortNet, un guichet unique national du commerce extérieur. Géré par l’Agence nationale des ports, PortNet permet de centraliser les démarches liées à l’exportation : certificats sanitaires, formalités douanières, autorisations, booking maritime, paiements, notifications de livraison, etc. PortNet connecte aujourd’hui plus de 15 organismes publics et privés, parmi lesquels la douane, les transitaires, les compagnies maritimes, les banques, l’ONSSA, et l’AMDIE.
Depuis sa mise en service, la plateforme a connu une croissance régulière de son utilisation et s’est imposée comme un outil central pour la facilitation des échanges commerciaux. PortNet continue d’évoluer avec l’intégration de nouvelles fonctionnalités pour améliorer la transparence, la rapidité et la coordination entre les différents acteurs de l’exportation au Maroc. L’intérêt de PortNet est double : il réduit les délais administratifs (certaines procédures passent de plusieurs jours à quelques heures), et améliore la transparence. L’exportateur peut suivre en temps réel l’état de ses dossiers, la position de son conteneur, ou les dates d’embarquement. L’intégration progressive de l’intelligence artificielle, de l’e-tracking et de l’e-signature continue d’améliorer le service.
Un accompagnement public encore trop méconnu
Conscientes de l’enjeu, les autorités marocaines multiplient les dispositifs de soutien à la digitalisation de l’export. Le programme Export Morocco Now, lancé par l’AMDIE, cible environ 350 entreprises entre 2024 et 2026. Il propose de la formation, de la veille stratégique, des outils de prospection, des salons virtuels et un accompagnement personnalisé pour intégrer les plateformes internationales. De son côté, Maroc PME cofinance des programmes de transformation numérique pour les PME exportatrices.
Certaines régions comme Casablanca-Settat, Tanger-TétouanAl Hoceima ou Souss-Massa proposent également des packs digitaux pour les entreprises industrielles ou artisanales. Mais l’accès à ces aides reste inégal. Beaucoup de petites structures, notamment en zone rurale ou dans des filières peu organisées, peinent à accéder à l’information, aux consultants spécialisés ou aux plateformes. Le Maroc devra donc aller plus loin dans la démocratisation des outils digitaux, notamment via des hubs régionaux, des offres publiques-privées de formation, ou des modules e-learning accessibles. La digitalisation de l’export n’est pas un gadget. Elle constitue un changement structurel qui permet aux entreprises marocaines de franchir les barrières traditionnelles à l’export : coûts logistiques, méconnaissance des marchés, lourdeur des procédures, manque de visibilité. Elle est aussi une réponse concrète aux ambitions affichées dans la stratégie Maroc Digital 2030 et dans les feuilles de route sectorielles de l’industrie, de l’agriculture ou de l’artisanat.
Plus que jamais, la réussite du «Made in Morocco» dépendra de sa capacité à exister, vendre et livrer via les canaux numériques. Pour atteindre cet objectif, il faudra investir dans les compétences (data, design, SEO, analytics), dans la connectivité (réseaux haut débit dans les zones industrielles), et dans la culture d’entreprise. Car derrière chaque plateforme, chaque campagne digitale ou chaque exportation réussie, il y a des équipes, des choix stratégiques, et une vision tournée vers le monde.