Malgré l’optimisme des officiels marocains, des experts estiment que le marasme devrait perdurer les mois prochains. Le Maroc doit miser sur de nouvelles niches de développement, à l’image des véhicules électriques.
Par C. Jaidani
L'industrie automobile constitue l’un des piliers de l’économie nationale. Ces dernières années, elle s’est distinguée par des performances notables, que ce soit en matière d’investissements, de création d’emplois, de production ou encore d’exportations. Pourtant, depuis le début de l’année 2025, le secteur montre des signes d’essoufflement. Les exportations automobiles ont en effet enregistré un repli inédit depuis la crise sanitaire, avec une baisse de 7,8% au premier trimestre.
En valeur, cela représente un manque à gagner de 3,1 milliards de dirhams. Cette contre-performance soulève de nombreuses questions. S’agit-il d’un simple ralentissement conjoncturel, ou bien la filière amorce-t-elle un nouveau cycle, marqué par une tendance durable à la baisse ? En réponse à cette question, Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, a été clair.
A la Chambre des représentants, il a affirmé que «la baisse est due en grande partie à la situation du marché européen qui est le principal débouché des produits marocains. La demande dans cette zone, surtout en France, a connu un certain essoufflement. Mais nous sommes confiants pour une nouvelle dynamique qui permettra de booster nos exportations. Nous continuons de développer notre politique pour diversifier les marchés, et nous aspirons à devenir moins vulnérable à ce genre de conjoncture. Les produits «Made in Morocco» ont pu ratisser largement à l’international, grâce à leur qualité et leurs prix compétitifs».
Le même optimisme est partagé par Abdellatif Jouahri, wali de Bank AlMaghrib, qui a affirmé récemment que «nous suivons de très près la situation. Nous sommes en discussion avec les deux constructeurs, à savoir Renault et Stellantis. Ils font partie de l’échantillon que nous traitons dans le cadre de la note de conjoncture que publie Bank Al-Maghrib. Nous connaissons le taux d’utilisation des capacités (TUC) des deux entités. Il est parmi les plus élevés du secteur industriel. Ils sont à 97-98% de leurs capacités productives. Nous sommes confiants pour l’avenir. Malgré les difficultés actuelles, il est prévu un retour de la croissance des exportations en 2026».
Il a précisé par ailleurs que «l’Europe, principal marché des voitures fabriquées au Maroc, connaît une crise sous l’effet de l’importation des voitures électriques chinoises. C’est pour cette raison que nous avons prévu une stagnation des exportations automobiles en 2025. Il ne faut pas oublier que c’est une industrie tributaire des nouveaux modèles lancés, du management, de la concurrence et du rapport qualité prix». Rappelons que la France est le principal marché des voitures made in Morocco.
A fin mai, ce marché a chuté de 12% par rapport à la même période de l’année dernière. Les raisons de cette régression s’expliquent par l’inflation, car le prix moyen des voitures a augmenté de 30% en dix ans. Cela a poussé de nombreux automobilistes à ne pas renouveler leurs véhicules ou à se tourner vers le marché de l’occasion. Les experts du domaine en France estiment que «la crise du marché devrait se poursuivre les mois prochains en raison de l’attentisme des consommateurs. Les prises de commande ne sont pas bonnes et de nombreux distributeurs, équipementiers et concessionnaires s’attendent à une période difficile. Ils ont annoncé des plans sociaux».
Pour sortir de l’actuel marasme économique, le Maroc est appelé à diversifier ses débouchés et à s’engager résolument dans de nouveaux relais de croissance, à l’image de la voiture électrique. Plusieurs modèles sont déjà fabriqués localement, tels que la Citroën Ami, l’Opel Rocks-e ou encore la Fiat Topolino. Toutefois, les volumes produits et exportés restent encore trop modestes pour amorcer un véritable changement d’échelle dans l’industrie automobile nationale.
Une dynamique nouvelle pourrait cependant émerger avec le lancement prochain de la fabrication de la citadine électrique Mobilize Duo, prévue sur le site Renault de Melloussa. Parallèlement à cette orientation vers la mobilité électrique, le Royaume nourrit de grandes ambitions dans la production de batteries. Plusieurs groupes internationaux, en particulier chinois, ont d’ores et déjà annoncé d’importants projets d’investissement dans ce domaine au Maroc.