Les discours d’ouverture de l’Africa Financial Summit (AFIS) 2025 donnent le cap pour passer du constat à l’action, en bâtissant une souveraineté financière fondée sur l’épargne domestique, la solidité des institutions locales et l’interopérabilité des marchés.
Par A. Hlimi
Le constat des opérateurs économiques est sans appel : il est urgent de mobiliser à grande échelle fonds de pension, compagnies d’assurances, banques, fintechs et marchés de capitaux, encore «trop souvent sous-utilisés ou investis ailleurs», pour accompagner le développement du continent. L’ambition est de transformer un potentiel reconnu en moteur concret de prospérité.
«L’Afrique n’a pas un problème d’épargne, mais de circulation et d’allocation du capital», a résumé Makhtar Diop, Directeur général de la Société financière internationale (IFC), à l’ouverture de la cinquième édition de l’AFIS, durant laquelle les opérateurs africains ont salué la résilience de la croissance et la vitalité du secteur privé africain, tout en soulignant les fragilités politiques et sécuritaires du continent.
Amir Ben Yahmed, CEO de Jeune Afrique Media Group - organisateur du sommet -, a félicité le Maroc, présenté comme un modèle de stabilité, d’infrastructures et de politiques publiques, avant de rappeler une idée forte : avec la puissance vient la responsabilité. Il appelle ainsi Rabat à donner l’impulsion, aux côtés de Johannesburg, Lagos, Abidjan ou Douala, pour co-investir et bâtir un capitalisme financier africain fondé sur des actionnaires croisés, des projets conjoints et des marchés de capitaux mieux intégrés. L’enjeu : enfin faire jouer l’effet d’échelle continental.
Des chocs inédits qui appellent un changement de méthode
Makhtar Diop, a dressé un tableau lucide et exigeant de la situation économique mondiale. Il a souligné la simultanéité inédite des chocs géopolitiques, commerciaux et technologiques, notamment liés à l’intelligence artificielle, qui fragilisent les équilibres globaux. À cela s’ajoutent un endettement nettement supérieur à celui d’il y a dix ans et un reflux marqué de l’aide publique au développement, réduisant la marge de manœuvre des États.
Dans ce contexte, a-t-il insisté, le secteur privé doit désormais prendre le relais et devenir le principal moteur de la croissance africaine. Pour y parvenir, la SFI a défini plusieurs axes opérationnels. D’abord, structurer un pipeline d’actifs de qualité et de taille suffisante afin d’attirer les investisseurs institutionnels de long terme. Ensuite, accélérer l’investissement dans la technologie et la donnée, tout en incitant les banques à partager davantage d’informations pour faciliter le financement des PME.
L’institution entend également accroître ses opérations en monnaies locales, qui représentent déjà près de 30% de son portefeuille, en renforçant la coopération avec les Banques centrales et commerciales pour échanger la liquidité locale contre des ressources en dollars. Enfin, la SFI prévoit de consolider ses dispositifs de garantie unifiés pour réduire le risque perçu et mieux canaliser les capitaux vers les économies africaines.
Le message est sans ambiguïté: sans un secteur privé africain solide, visible et en première ligne, les capitaux étrangers ne suivront pas. L’avenir du financement du développement dépend désormais de la capacité des acteurs du continent à se capitaliser, à mutualiser et à innover. C’est sur cette base que pourra s’écrire le prochain cycle d’investissement africain.