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Climat : un mouvement engagé mais encore fragmenté des sociétés cotées

Climat : un mouvement engagé mais encore fragmenté des sociétés cotées

Alors que le Maroc précise sa trajectoire climatique en ajoutant une échéance à l’horizon 2035, une étude d’Utopies Maroc dresse un état des lieux des pratiques climat des entreprises cotées.

 

Par A. Hlimi

À mesure que le Maroc affine sa Stratégie nationale bas carbone et met en œuvre sa NDC 3.0 (troisième génération des Contributions déterminées au niveau national que les pays doivent soumettre dans le cadre de l'Accord de Paris), la question du rôle des grandes entreprises devient centrale. Acteurs structurants de l’économie nationale, cotées ou non, et dotées d’un fort pouvoir d’entraînement sur leurs chaînes de valeur, elles sont appelées à transformer leurs engagements climatiques en leviers opérationnels.

L’étude climat menée par Utopies sur 72 sociétés cotées à la Bourse de Casablanca, sur la base de leur rapport ESG, apporte à cet égard un éclairage inédit sur le degré réel de maturité climatique du tissu économique marocain. Premier constat :  la dynamique ESG progresse, même si, sur le terrain des pratiques, l’étude révèle une hétérogénéité marquée. Seule une légère majorité des entreprises analysées indique avoir réalisé une analyse de matérialité, pourtant structurante pour la définition de la stratégie ESG et inscrite dans les exigences réglementaires depuis cinq ans.

Ce taux est néanmoins en progression par rapport à 2020, où seul un tiers des entreprises déclaraient avoir mené cet exercice. Signe de maturité et d’anticipation, quatre d’entre elles vont jusqu’à intégrer la double matérialité, issue de la nouvelle directive européenne CSRD. La gouvernance ESG progresse également : près de 60% des sociétés communiquent sur leur organisation RSE et certaines se dotent d’un comité spécialisé dédié émanant du conseil d’administration.

Climat : une trajectoire encore peu pilotée

Le climat, en tant que pilier spécifique, demeure à un stade d’amorçage. Si 30% des entreprises étudiées déclarent avoir réalisé un bilan carbone, une part significative n’en précise ni le périmètre ni le résultat détaillé. Il est toutefois encourageant de constater que plus de 40% des bilans carbone couvrent explicitement le scope 3, généralement de façon partielle.

Ce périmètre correspond aux émissions indirectes générées en amont et en aval de la chaîne de valeur, directement liées aux biens et services achetés ou vendus par l’entreprise, incluant notamment les achats, le transport et la distribution, ainsi que l’utilisation et la fin de vie des produits. Au-delà de la mesure, l’exercice de pilotage reste cependant limité : seules douze entreprises affichent des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec des périmètres pas toujours précisés. 

Émergence de politiques climat

La publication d’une politique climat est en revanche plus répandue avec plus d’un quart des entreprises qui en communiquent une, sans que celle-ci ne soit systématiquement adossée à des objectifs de décarbonation. Les plans d’atténuation opérationnels sont encore plus fréquents: plus de 40% des sociétés mettent en avant des actions concrètes significatives, allant du solaire photovoltaïque à l’économie circulaire, en passant par la biomasse, l’optimisation logistique ou la construction durable. Ces initiatives traduisent une prise de conscience croissante, mais elles restent souvent ciblées, sans intégration dans une trajectoire chiffrée à moyen ou long terme.

Le maillon faible demeure l’anticipation des risques. Seules quatre entreprises déclarent avoir mené une analyse des risques climatiques, et aucune ne communique sur un plan d’adaptation. Dans un pays exposé à la raréfaction de l’eau, aux épisodes climatiques extrêmes et aux tensions sur les ressources naturelles, cette absence interroge sur la capacité des entreprises à intégrer le climat comme un risque financier à part entière. D'autant plus que sur les dernières années, le changement climatique a pesé sur la profitabilité réelle de certaines entreprises. 

Une montée en puissance en cours

Au total, le diagnostic posé par Utopies est celui d’une transition engagée mais incomplète. Le climat n’est pas encore pleinement intégré comme un enjeu stratégique, mesurable même si la Bourse de Casablanca dispose de pionniers crédibles et de signaux encourageants. Les banques jouent, à cet égard, un rôle structurant dans la transformation du climat en enjeu de matérialité financière. Les nouvelles directives de la Bank Al-Maghrib publiées en 2025 sur la communication des risques financiers liés au changement climatique et sur le reporting des expositions climatiques des grands emprunteurs suggèrent  en effet une montée en puissance progressive de la contrainte réglementaire, susceptible d’essaimer bien au-delà du seul secteur bancaire. 

Le Maroc figure, par ailleurs, parmi les tout premiers pays au monde de l’indice Climate Change Performance Index (CCPI), se classant dans le top 3 des performances effectives des pays, ce qui traduit la crédibilité et la cohérence de sa trajectoire climatique au regard des standards internationaux.

Ce constat suggère que l’État, actionnaire ou régulateur, peut jouer un rôle d’accélérateur, à condition de traduire ses ambitions climatiques en exigences claires et cohérentes pour la place financière. À l’heure où le Maroc renforce ses engagements internationaux, l’alignement des entreprises cotées sur une trajectoire bas carbone robuste apparaît moins comme une option que comme une condition de crédibilité économique et financière à moyen terme. 

 

Utopies Maroc 
Créé en 1993, Utopies est un cabinet de conseil et think tank pionnier de la transformation durable des entreprises. Présent au Maroc depuis 2017, Utopies Maroc accompagne les acteurs économiques dans l’intégration des enjeux ESG au cœur de leur stratégie, avec une expertise reconnue sur les enjeux climatiques. Le cabinet intervient notamment sur le bilan carbone, les trajectoires de décarbonation, l’analyse des risques climatiques et d’impact sur la biodiversité. Son approche articule exigence de reporting, vision stratégique et feuille de route opérationnelle, afin de faire de la durabilité un levier de performance, de résilience et de création de valeur durable.

 

 

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