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Future sur le Masi 20 : un test grandeur nature

Future sur le Masi 20 : un test grandeur nature

Le Maroc entre dans l’ère des produits dérivés avec un premier contrat à terme sur indice, adossé au Masi 20. Une avancée qui marque le début d’un marché plus sophistiqué. Au-delà du produit lui-même, c’est la capacité du marché à créer de la liquidité, à former des prix et à gérer le risque qui sera scruté à travers ce lancement.

 

Par Y. Seddik

 

 

C'est officiel. Le Maroc s’ouvre au marché des dérivés avec un premier contrat à terme ferme sur indice, listé sur la place de Casablanca. Le document d’information relatif à ce produit a été visé par l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) le 6 mai 2025. L’occasion de décrypter un instrument inédit, destiné à tous types d'investisseurs, et dont le lancement constitue bien plus qu’un jalon technique: un test grandeur nature pour la profondeur et la maturité du marché.

En effet, le contrat à terme ferme repose sur le Masi 20, indice regroupant les 20 valeurs les plus liquides parmi les 40 plus grandes capitalisations flottantes de la Bourse de Casablanca. Il s’agit d’un instrument financier à terme, avec règlement en espèces, qui permet à l’investisseur de prendre position à l’achat ou à la vente sur la future valeur de cet indice à une échéance donnée. Quatre échéances sont cotées en parallèle : mars, juin, septembre et décembre. La taille du contrat est fixée à 10 dirhams par point d’indice, avec des dépôts de garantie initiaux de 1.000 dirhams. L’effet de levier est donc significatif : un investisseur peut exposer un capital bien supérieur à sa mise initiale. Le contrat est négocié en continu et dénoué en espèces à l’échéance, le troisième vendredi du mois concerné (ou le jour ouvré précédent).

À quoi sert ce produit ?

L’utilité du contrat à terme repose sur trois grands usages :

• La couverture : protéger un portefeuille contre une baisse anticipée de l’indice.

• La prise de position : parier sur la hausse ou la baisse du Masi 20.

• La diversification : accéder à une exposition globale sur les 20 plus grandes valeurs liquides du marché via un seul instrument. Autrement dit, ce contrat répond à des besoins spécifiques d’investisseurs professionnels, notamment les gérants d’OPCVM, compagnies d’assurances, fonds de pension ou banques d’investissement. Il ouvre la porte à des stratégies jusque-là inaccessibles sur la place casablancaise : arbitrages inter-marchés, overlay de portefeuille, ou encore gestion active du bêta.

«Ce lancement est d’abord un acte de confiance dans la capacité du marché marocain à absorber des produits plus complexes. C’est aussi une opportunité pédagogique : les dérivés exigent une vraie discipline de gestion du risque, et c’est ce que ce produit va peu à peu instaurer chez les acteurs locaux», analyse un professionnel du marché.

Des garde-fous réglementaires et un pari sur la liquidité

Le produit est ouvert à toutes les catégories d'investisseurs, y compris le grand public. Des appels de marge sont déclenchés quotidiennement en fonction du cours de compensation, calculé et publié par la SGMAT. En cas de volatilité excessive ou de suspension du sous-jacent, la cotation peut être interrompue. Des mécanismes de radiation sont également prévus pour les contrats devenus trop illiquides.

Reste l’essentiel : la liquidité. Pour fonctionner, ce marché a besoin de teneurs de marché actifs, d’un flux régulier d’ordres, et d’une culture des dérivés encore embryonnaire chez les investisseurs locaux. Le choix du Masi 20 comme sousjacent est judicieux en cela : l’indice combine profondeur, diversification et représentativité sectorielle. «Le défi majeur sera l’animation du carnet d’ordres. Il faut que les spreads restent attractifs et que les acteurs jouent le jeu. Sans animation, pas de marché. Et sans marché, pas de valorisation fiable», avertit notre expert. Mais l’intérêt pour le produit dépendra largement de sa capacité à offrir des spreads compétitifs et à éviter des effets de surréaction en période de stress.

«Le Masi 20 est un bon choix pour démarrer : il concentre la liquidité et offre une bonne corrélation avec les mouvements du marché global. Cela dit, il faudra du temps pour que les opérateurs intègrent ce type d’outil dans leur gestion quotidienne», estime un responsable de la gestion d’actifs au sein d’une grande banque marocaine. Ce contrat à terme ferme n’est pas une fin en soi, mais un instrument test, dans une logique progressive d’introduction des dérivés.

Si l’initiative rencontre son marché, elle pourrait précéder d’autres produits, comme les futures sur actions individuelles, les options ou des swaps structurés. En filigrane, se joue aussi la transformation de Casablanca en place financière à la fois locale et connectée aux standards internationaux. «L’étape suivante, ce sera l’élargissement de la gamme. Si ce premier Future trouve preneur, on pourra parler d’une vraie mutation du marché. Sinon, ce sera une expérimentation utile mais sans suite immédiate», conclut cet expert.

 

 

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