Performance proche de 30%, records de volumes, retour massif des investisseurs particuliers, renaissance du marché primaire et franchissement du seuil symbolique des 1.000 milliards de dirhams de capitalisation. En 2025, la Bourse de Casablanca a signé l’un de ses millésimes les plus complets, alliant ampleur du mouvement et profondeur du marché, sans céder à l’excès.
Par Y. Seddik
Il y a des années où le marché avance, d’autres où il marque le pas. Et puis, plus rarement, des années qui laissent une trace. 2025 fait partie de cette catégorie. Non pas seulement pour la performance affichée, mais pour la somme de dynamiques qu’elle a réunies. Hausse, volumes, participation, marché primaire, profondeur : rarement la Bourse de Casablanca aura coché autant de cases en l’espace de douze mois.
À fin décembre, le constat est clair. Le Masi affiche une progression de 28,22% (au 22 décembre) à 18.941,74 points, après avoir inscrit de nouveaux plus hauts historiques au-delà des 20.000 points, culminant autour de 20.300 points. La capitalisation boursière atteint 1.039 milliards de dirhams, un niveau symbolique qui marque un changement d’échelle pour la place. Peu d’années, dans l’histoire récente du marché, peuvent se targuer d’un tel bilan.
Mais réduire 2025 à un simple chiffre de performance serait passer à côté de l’essentiel. Ce qui distingue cette année, c’est la qualité du mouvement. La hausse a été large. Sur les 24 secteurs cotés, seuls quatre terminent l’année en territoire négatif. À l’inverse, plusieurs compartiments ont affiché des performances à deux, parfois trois chiffres. Pas moins de 11 valeurs enregistrent une progression annuelle supérieure à 100%, avec des cas extrêmes, comme Stroc Industrie, dont l’évolution frôle les +500%.
Un parcours spectaculaire, certes spéculatif, mais révélateur d’un marché qui a retrouvé de l’appétit pour le risque et la rotation. Ce regain d’intérêt s’est aussi traduit par un retour massif de la liquidité. Arrêté au 22 décembre, le volume échangé sur le marché central dépasse 110 milliards de dirhams, soit une hausse de 94% par rapport à l’année précédente. Des niveaux rarement observés à Casablanca.
Cette fois, la hausse des cours ne s’est pas faite dans un marché creux. Elle a été accompagnée, nourrie, parfois amplifiée par une participation active, notamment celle des investisseurs particuliers. Leur retour, par son ampleur, constitue l’un des faits marquants de l’année. L’autre grande réussite de 2025 reste sans conteste le marché primaire. Trois introductions en Bourse en l’espace de quelques mois -Vicenne, Cash Plus et SGTM- ont suffi à changer la perception du marché.
Les opérations ont suscité un engouement inédit, avec des taux de sursouscription records. Au total, le volume des IPO dépasse 6 milliards de dirhams, en progression de 452% par rapport à l’an dernier. Un chiffre qui, au-delà de son ampleur, envoie un message fort : la Bourse redevient une option crédible de financement pour les entreprises. Le ton avait d’ailleurs été donné dès le début de l’année. En janvier, le Masi enregistrait la meilleure performance boursière mondiale, surpassant une quarantaine de grands indices internationaux suivis par les principaux fournisseurs de données financières.
Un signal fort, qui a attiré l’attention bien au-delà du marché domestique et qui a servi de catalyseur à la séquence haussière qui a suivi. Cette séquence, justement, n’a pas été linéaire. 2025 n’a pas été une marche triomphale sans accroc. Le marché a connu des phases de respiration, des corrections techniques, des moments de doute (avril et septembre). L’automne, et en particulier le mois de novembre, a marqué un temps d’arrêt plus prononcé.
Le Masi y a enregistré la plus forte baisse mensuelle de l’année, autour de -5%, rappelant que même les cycles les plus solides ne progressent jamais en ligne droite. Pour autant, ces phases de consolidation n’ont jamais remis en cause la structure de fond. Les supports ont tenu, les volumes sont restés présents, et les fondamentaux ont continué de jouer leur rôle d’ancrage. Le bilan des résultats trimestriels, notamment au troisième trimestre, s’est révélé globalement conforme aux attentes, avec une croissance des chiffres d’affaires supérieure à 5%, confirmant que la hausse des cours reposait sur une base économique réelle, avec des perspectives favorables pour tous les secteurs, en particulier le BTP qui connaît une dynamique sans précédent. Autre élément clé de cette année hors norme : le changement de dimension du marché.
Le franchissement du seuil des 1.000 milliards de dirhams de capitalisation, même s’il n’a pas été linéaire, a modifié la perception de la place. La Bourse de Casablanca gagne en visibilité, en lisibilité et en crédibilité, tant auprès des investisseurs locaux qu’internationaux. La profondeur du marché s’est améliorée, les échanges se sont concentrés sur de véritables locomotives, et la rotation sectorielle a gagné en fluidité. Il serait toutefois excessif de parler d’euphorie. La fin d’année s’est inscrite dans un climat plus mesuré.
À l’approche de 2026, les arbitrages se sont multipliés, la prudence est revenue sur certains segments devenus exigeants en termes de valorisation, et la sélectivité s’est imposée. Un signe, peut-être, de maturité retrouvée. C’est là, sans doute, l’un des enseignements majeurs de 2025. Le marché a su monter, corriger, digérer, repartir, sans jamais basculer dans l’excès généralisé. Rarement (voire jamais) une année aura combiné performance, liquidité, dynamique IPO et élargissement de la base d’investisseurs avec une telle cohérence.
À l’heure de tourner la page, une chose est certaine : 2025 n’a pas été une année comme les autres. Elle restera comme un millésime à part dans l’histoire de la Bourse de Casablanca. La question, désormais, n’est pas tant de savoir si l’année a été réussie (elle l’a été), mais si les bases posées permettront d’inscrire cette dynamique dans la durée. La réponse appartient déjà à 2026.