En 2024, le Maroc a affiché une croissance de 3,8%, légèrement supérieure à celle de 2023 (3,7%). Le mérite revient au PIB non agricole, en hausse de 4,8%, pendant que l’agriculture, frappée par la rareté des pluies, reculait de 4,8%. Une fois de plus, l’économie a prouvé sa capacité de résistance à un choc climatique récurrent et les prévisions se veulent optimistes : 4,6% en 2025, puis un léger repli à 4,4% en 2026. En toile de fond, une inflation retombée à 0,9% en 2024, appelée à se stabiliser autour de 1% en 2025 avant de remonter légèrement (1,8% en 2026). Après l’épisode inflationniste de 2022-2023, c’est un retour au calme bienvenu.
Cela dit, le commerce extérieur reste le talon d’Achille. En 2024, le déficit commercial s’est établi à -305 milliards de dirhams, soit 19,1% du PIB. Les importations de biens d’équipement et de consommation ont flambé (+6,4%), malgré un repli de la facture énergétique (-6,7%). Les exportations (+6%) ont certes résisté, portées par l’automobile et les phosphates, mais pas assez pour compenser.
Face à cette fragilité, trois amortisseurs continuent de jouer pleinement leur rôle. Les recettes de voyage ont progressé pour atteindre 112,5 milliards de dirhams, confirmant la vitalité du tourisme. Les transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE) ont battu un nouveau record à 119 milliards. Enfin, les investissements directs étrangers ont enregistré une progression à 43,8 milliards de dirhams, soit 2,7% du PIB. Ces soutiens extérieurs ont permis de contenir le déficit du compte courant à 1,2% du PIB, un niveau jugé confortable par les standards internationaux. Les réserves de change, elles, se sont établies à 375,5 milliards de dirhams, représentant l’équivalent de 5 mois et 9 jours d’importations, avec une amélioration attendue en 2025 et 2026. Depuis, ces réserves se sont nettement améliorées pour s’installer à plus de 400 milliards de dirhams à la mi-août. Du jamais vu.
Côté finances publiques, le déficit budgétaire a reculé à 3,9% du PIB en 2024, après 4,4% en 2023. Les recettes fiscales et non fiscales se sont raffermies, aidées par des mécanismes innovants qui ont mobilisé près de 35 milliards de dirhams, et la charge de compensation a diminué. La dette du Trésor a suivi la même tendance, à 67,7% du PIB, contre 68,7% un an plus tôt. La trajectoire reste encourageante. Les projections annoncent une stabilisation en 2025 (67% du PIB), puis une baisse à 65,6% en 2026. Le FMI, lors de sa revue d’avril 2025, a d’ailleurs jugé cette trajectoire soutenable, estimant que le Maroc conserve des marges de manœuvre, même si l’équilibre demeure fragile.
Banques : robustesse confirmée
Le secteur bancaire continue d’être la colonne vertébrale du système financier. En 2024, il a dégagé 15,7 milliards de dirhams de bénéfices nets (base sociale), soit un rendement des actifs de 0,9% et un rendement des fonds propres de 9,5%. Les ratios prudentiels confirment cette solidité. La solvabilité globale s’est établie à 16,2%, pour un minimum réglementaire fixé à 12%. Les fonds propres de base atteignent 13,5%, tandis que le ratio de liquidité à court terme (LCR) a clôturé l’année à 182%, très au-dessus du seuil requis de 100%. En clair, même en cas de choc sévère, les stress tests menés par Bank Al-Maghrib confirment que les banques marocaines pourraient encaisser l’impact tout en restant conformes aux normes de Bâle.
Seule ombre au tableau : le crédit non financier reste poussif (+2,6% en 2024, contre +2,9% en 2023). Les banques affichent donc des bilans solides, mais la transmission vers l’économie réelle demeure limitée.
Les ménages marocains consolident leur épargne. Leur patrimoine financier a franchi le cap des 1.100 milliards de dirhams, majoritairement constitué de dépôts bancaires, mais aussi renforcé par l’assurance-vie et les placements en valeurs mobilières.
Coté dettes, l’encours a atteint 427 milliards de dirhams, soit 27% du PIB, en hausse de 3,8%. Le crédit à la consommation tire la progression, tandis que les prêts habitat stagnent. Le taux de défaut des ménages s’est stabilisé autour de 10%, un niveau élevé mais jugé gérable.
Les crédits bancaires aux entreprises non financières progressent timidement pour leur part, avec une hausse de 3% en 2024 pour atteindre 634 milliards de dirhams. Leur taux de défaut reste élevé à 11,1%, ce qui correspond à 70 milliards de dirhams de créances en souffrance.
L’endettement reste toutefois maîtrisé. Les dettes à moyen et long terme représentent 46% des capitaux permanents, un niveau soutenable. Mais les délais de paiement interentreprises continuent d’éroder la trésorerie des entreprises, fragilisant ainsi une partie du tissu productif.
Le secteur des assurances poursuit sa croissance et confirme son rôle de pilier du système financier. Le chiffre d’affaires global a atteint 58,8 milliards de dirhams en 2024, en hausse de 5,1%, réparti équitablement entre les branches vie et non-vie. Le résultat net comptable s’est établi à 4,4 milliards de dirhams, en hausse de 2,9%. Le rendement des fonds propres s’est maintenu à un niveau solide de 9,6%.
La marge de solvabilité du secteur a bondi à 354,7%, contre 330,4% en 2023. Cette amélioration est liée à la baisse des taux et à la bonne santé du marché boursier, qui ont généré une explosion des plus-values (+70%). Les stress tests confirment la résilience globale des compagnies d’assurances face à des scénarios macroéconomiques défavorables.
Marchés de capitaux : les investisseurs jubilent
La Bourse de Casablanca a connu un millésime 2024 exceptionnel. L’indice MASI a progressé de 22,16%, la capitalisation boursière a bondi de 20%, tandis que la volatilité moyenne a reculé à 8,3% contre 11% en 2023. Des performances qui se poursuivent en 2025 avec pas moins de 30% de performances sur les 7 premiers mois de l’année. La liquidité a également connu une hausse marquée, à 12,45% en 2024 contre 8,88% un an auparavant. Le PER global s’est établi à 21,7x, en progression par rapport à 19,5x en 2023 mais reste à des niveaux soutenables.
Sur le marché obligataire, les émissions du Trésor ont reculé à 183 milliards de dirhams (contre 255 milliards en 2023), mais l’encours a progressé à 753 milliards de dirhams. Du côté de la dette privée, les émissions ont bondi de 17%, atteignant 101,7 milliards de dirhams, avec une forte hausse des placements privés (+146%).
L’épargne nationale s’est également diversifiée. Les OPCVM ont vu leur actif net croître de 16,7% pour atteindre 653 milliards de dirhams, les OPCI ont progressé de 28% à 109 milliards, tandis que le capital-investissement a franchi le seuil de 3,14 milliards de dirhams, en hausse de 24%. Les infrastructures de marché – qu’il s’agisse de la Bourse, de Maroclear ou encore de la future Chambre de compensation – n’ont enregistré aucun incident majeur en 2024. Leur fiabilité est jugée satisfaisante. Le lancement du marché à terme, accompagné d’une Chambre de compensation, est désormais en phase finale, les textes réglementaires étant déjà publiés.
À l’issue de ce tableau de bord, une conviction s’impose : le Maroc dispose aujourd’hui d’un système financier robuste, liquide, solvable et bien encadré. Les banques et assurances tiennent la route, les marchés se diversifient, les réserves extérieures sont confortables.
Mais des zones de vulnérabilité subsistent : le climat, les retraites, le crédit bancaire encore timide et l’endettement privé. Le pays devra naviguer entre soutien à la croissance et préservation des équilibres, dans un contexte mondial marqué par l’incertitude géopolitique et les transitions énergétique et numérique. En somme, si la stabilité financière est assurée, c’est une stabilité sous surveillance. Et dans la chronique économique marocaine, l’histoire reste à écrire.
Retraites – Déséquilibres structurels persistants
Le tableau est moins reluisant du côté des régimes de retraite. Les régimes de base, publics comme privés, continuent de souffrir de déséquilibres structurels. Certains indicateurs financiers se sont temporairement améliorés après les hausses salariales de 2024, mais la viabilité de long terme reste compromise.
La CNSS bénéficie encore d’une démographie favorable, mais la sous-tarification des droits et l’assouplissement des conditions d’accès fragilisent sa soutenabilité. La réforme systémique, avec la création d’un pôle public et d’un pôle privé, est désormais incontournable pour assurer la pérennité du système.