Charte d'investissement/Economie industrielle et IDE : à revoir ...

Charte d'investissement/Economie industrielle et IDE : à revoir ...

Par-delà la présente conjoncture - incendies dans le Nord, finale de l'équipe marocaine dans le championnat africain, loi-cadre de la santé, nominations Royales,... -, il faut aussi mentionner ce que l’on pourrait appeler le dur : l'emploi, la croissance, la relance économique et tout ce qui regarde le social. Et au cœur de tous ces domaines ? L’investissement : celui de l'Etat bien sûr, mais aussi celui du secteur privé et en particulier de l'étranger - les IDE.

Les chiffres disponibles à la fin mai de cette année sont encourageants. Selon l'Office des changes, ces IDE se sont élevés à 7,7 milliards de DH (+ 2 %). En 2021, ils ont été de l'ordre de 2,2 milliards de dollars.  A un premier niveau d'analyse, c'est significatif donc. Mais à un autre niveau, une réponse plus nuancée doit être mise en avant : ce flux global ne génère pas les effets escomptés. Ahmed Lahlimi Alami, responsable du HCP, vient de le rappeler de nouveau lors de sa présentation des prévisions 2022-2023, voici quelques jours à peine. Il a ainsi souligné que le Maroc avait l'un des taux d'investissement les plus élevés dans le monde - avec 30% -, mais que la croissance ne suivait pas. 

 

Investissements..., mais faible croissance

Faut-il donc se borner à faire ce contact annuel de manière récurrente ? Un autre paradigme est-il envisageable et réalisable ? Une problématique qui englobe tant le secteur privé local qu'étranger. Contrairement à une idée reçue qui persiste encore, ici et là, c'est le régime de l'investissement qui est en cause, la législation marocaine ne faisant pas - ou plus ? - de différence entre le premier et le second, Ryad Mezzour, ministre de l'Industrie, ne cessant de le marteler... Alors ? Revoir et mettre au net la politique publique de promotion de l'IDE : voilà, entre autres, une priorité. C'est au carrefour de l'économie industrielle et de l'économie internationale. Cela implique l'Etat par suite des limites, voire des insuffisances des institutions économiques existantes et de celles aussi des marchés. Pour certains économistes, les IDE n'entrainent un impact optimal dans le pays d'accueil que si certaines conditions sont réunies. C'est dire que l'autosatisfaction officielle limitée au seul chiffrage des IDE n'est pas suffisante : elle serait même réductrice. Référence est faite à une première condition : les firmes multinationales (FMN) ne doivent pas entraver le développement des firmes locales. Une autre intéresse le souci de ne pas entraver ni accaparer leur part de marché. Elles doivent en effet pouvoir bénéficier des externalités des IDE. Le programme Renault à Tanger témoigne de la réussite emblématique de tout un écosystème environnant. D'autres participent de cette même approche. Mais il y a tout le reste qui infirme ce modèle... Ce qui pose le problème des gains de productivité à faire par les entreprises domestiques. Il s'agit de ce que l'on appelle les effets d'efficience «learning by doing». Enfin, cette dernière condition n'est sans doute pas la moins importante : l'intéressement des bénéfices - certains parlent de «rentes» - tant avec les fournisseurs qu'avec le personnel local.

 

Un potentiel d’attractivité

La perspective à long terme est celle-ci : sur ces bases-là, il importe d'élargir et de renforcer l'attractivité du Maroc pour les IDE. Plus encore : asseoir et consolider la capacité à attirer et aussi à fixer durablement les investissements étrangers. Toute une économie industrielle est ainsi à prioriser pour arriver à retenir des activités à contenu élevé en main-d’œuvre qualifiée-, très qualifiée même. Un potentiel qui s'articule sur des mesures : promotion de l'image Maroc, renforcement des atouts (recherche, innovation, système de formation, etc.), un environnement réglementaire approprié tant sur le plan fiscal que pour ce qui est du climat d'affaires.

Les bases de données actuelles sont sans doute intéressantes, mais elles ont besoin de paramètres plus affinés. L'Office des changes et le département de l'Industrie donnent régulièrement des indications à cet égard, mensuelles pour le premier et annuelles pour le second. Mais dispose-t-on d'une ventilation des IDE et prêts privés par sous-secteur ? Le ministère précité fait un tableau général des différents secteurs : nombre des entreprises, valeur ajoutée, chiffre d'affaires, exportations, investissement production, charges de personnel, capital social total et capital social étrangers, etc. Autant de données ventilées par branches d'activités pour toutes les entreprises manufacturières ainsi que pour celles à participation étrangère.

 

«Exemplarité morale»

Cela dit, l'on veut croire qu'à terme, tout cela ne manquera pas d'être mis en œuvre. Avec le projet de loi-cadre relatif à la Charte de l'investissement - il a été adopté mercredi 13 juillet courant par le Conseil des ministres présidé par SM le Roi -, une grande réforme va s'engager. Elle n'a que trop tardé : la précédente date d’un demi-siècle et le précédent cabinet El Othmani l'avait initiée en ... 2016. Elle a été recommandée par le Souverain en maintes occasions, puis par le rapport sur le NMD; elle a été aussi inscrite dans le programme de ce gouvernement. Elle participe d'autres approches systémiques : CRI, mise en place de commissions régionales d'investissement, création du Fonds Mohammed VI pour l'investissement encore en attente aujourd'hui de structuration, etc. Ses objectifs sont connus : création d'emplois stables, réduction des disparités territoriales en matière d'attractivité, orientation des investissements vers les secteurs prioritaires et les métiers d'avenir. Faire du Maroc un hub continental et attractif pour les investissements : tel est le challenge. Du volontarisme donc. Une accélération de l'implémentation de cette Charte, une nécessaire adaptation aux mutations touchant le tissu productif national et son insertion dans la mondialisation et la rude compétitivité qui l'accompagne : A grands traits, un cahier des charges en prendre en compte. Sans oublier «l'exemplarité morale» pour une remise sur les rails de l'économie nationale dans un contexte de grande incertitude. Référence est faite à la nécessité de faire face aux cartels, aux ententes et à la corruption- un appel du même responsable du HCP ... Sera-t-il entendu ? La promotion de l'investissement et des IDE est en tout cas à ce prix !

 

 

Par Mustapha SEHIMI
Professeur de droit, politologue 

 

 

 

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