Coopération : «La relation économique franco-marocaine entre dans une nouvelle dynamique»

Coopération : «La relation économique franco-marocaine entre dans une nouvelle dynamique»

Un an après la reprise du dialogue politique entre Rabat et Paris, les relations économiques entre les deux pays connaissent un nouvel élan. En marge du Forum Choiseul Africa, Benoît Chervalier, vice-président Afrique du Medef, analyse cette dynamique et livre son regard sur les opportunités de coopération en Afrique, l’intérêt croissant pour les Provinces du Sud et les perspectives industrielles autour des énergies renouvelables.

 

Propos recueillis par R. Mouhsine

Finances News Hebdo : Depuis la normalisation des relations politiques, comment jugez-vous l’évolution des relations économiques entre le Maroc et la France ?

Benoît Chervalier : Indépendamment du contexte politique, les entreprises françaises et marocaines ont toujours continué à travailler ensemble. Le courant d’affaires ne s’est jamais interrompu. Ce qui change aujourd’hui, c’est l’inscription de cette relation dans une dynamique renouvelée, portée par un climat politique plus propice. Nous observons un mouvement positif, guidé à la fois par la reprise institutionnelle et par la nécessité, pour chacun, de diversifier ses partenaires dans un contexte géopolitique extrêmement complexe et parfois inflammable. Ce contexte incite les pays à ne pas dépendre d’un seul partenaire. La diversification n’empêche pas l’établissement de relations stratégiques. J’aime définir la souveraineté comme la capacité à choisir ses dépendances. Certaines activités doivent être contrôlées de bout en bout, parce qu’elles sont vitales. D’autres peuvent être partagées par un nombre limité de partenaires privilégiés. C’est dans cette catégorie, selon moi, que s’inscrit majoritairement la relation franco-marocaine, même si, sur certains secteurs, elle s’apparente aussi à une logique plus ouverte. Ce qui la caractérise surtout, c’est sa profondeur.

 

F. N. H. : Paris encourage désormais les entreprises françaises à investir au Sahara. La récente résolution de l’ONU consacrant le plan d’autonomie marocain renforce-t-elle leur confiance ?

B. Ch. : Cette décision est avant tout politique. Les entreprises françaises se sont simplement alignées sur la position exprimée l’an dernier par les autorités françaises. La résolution des Nations unies du 31 octobre 2025 vient conforter à la fois la position marocaine et le choix opéré par la France. Elle renforce ainsi la lisibilité du cadre et offre un signal positif aux investisseurs.

 

F. N. H. : Le Maroc se déploie fortement en Afrique. Dans le même temps, la France traverse une période difficile dans une partie de l’Afrique de l’Ouest et au Sahel. Le Maroc peut-il devenir une plateforme de relais ?

B. Ch. : Il faut d’abord rappeler qu’il n’y a pas une Afrique, mais des Afriques. Cinquantequatre pays, autant de réalités différentes. Il est donc impossible d’être présent partout avec la même intensité. Les difficultés rencontrées au Sahel n’empêchent pas la France de rester très présente ailleurs sur le continent. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’Union européenne demeure, de loin, le premier partenaire commercial de l’Afrique, avec plus de 400 milliards d’euros d’échanges. La Chine arrive ensuite, autour de 295 milliards de dollars en 2024. L’Union européenne reste aussi le premier investisseur en Afrique, la France occupant la deuxième place. Les entreprises françaises sont engagées dans une logique d’implantation durable, ce qui témoigne d’une relation profonde. Il est vrai que le Maroc a bâti une stratégie africaine structurante, qui ne doit pas être vue comme une conséquence de la situation sécuritaire au Sahel, mais comme un choix souverain inscrit dans le temps long. D’autres pays jouent aussi un rôle clé, notamment le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Le réseau électrique ivoirien alimente le Burkina Faso, ce qui illustre une forme de solidarité intrarégionale. Dans cette mosaïque, le Maroc est un acteur essentiel, mais pas exclusif.

 

F. N. H. : Le Maroc et la France sont-ils partenaires ou concurrents sur le continent ?

B. Ch. : La réponse dépend des secteurs et des situations. Comme au sein de l’Union européenne ou du continent africain, il arrive que des entreprises se retrouvent partenaires sur certains dossiers et concurrentes sur d’autres. Cela se produit aussi entre entreprises d’un même pays. C’est le jeu normal du marché. Il n’y a pas d’opposition frontale systématique, mais une coexistence de coopérations et de concurrences selon les projets.

 

F. N. H. : Le Maroc organisera la CAN puis la Coupe du monde 2030. Comment les entreprises françaises peuvent-elles participer à cette préparation ?

B. Ch. : De nombreuses délégations d’affaires ont déjà eu lieu. Les entreprises françaises souhaitent collaborer avec leurs partenaires marocains pour garantir la réussite de ces événements majeurs, qui suscitent l’intérêt économique mais aussi populaire. La France dispose d’une expérience reconnue dans l’organisation de grands événements sportifs, qu’il s’agisse des Jeux olympiques ou de plusieurs Coupes du monde. Elle possède un savoir-faire éprouvé, qu’elle souhaite mettre à disposition dans le cadre de coopérations industrielles et commerciales. L’enjeu est de participer à la croissance du Royaume en s’appuyant sur cette expertise.

 

F. N. H. : Les deux pays misent sur l’hydrogène vert. Quelles synergies cela ouvre-t-il ?

B. Ch. : Il existe un agenda commun sur les énergies renouvelables. Le Maroc et la France font face à des défis similaires : stress hydrique, adaptation au changement climatique pour ne citer qu’eux. L’hydrogène vert s’inscrit pleinement dans ce cadre. Les entreprises des deux pays ont intérêt à collaborer dans ce secteur, à partager leur expérience et à construire des projets industriels communs. Nous sommes entrés, selon moi, dans une nouvelle phase : après l’exportation pure puis la délocalisation, vient désormais la co-industrialisation. Les deux rives doivent tirer bénéfice de cette dynamique. Cela signifie développer des capacités industrielles au Maroc, mais aussi en Europe et en France. Le partenariat franco-marocain trouve ici un terrain particulièrement prometteur. 

 

 

 

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