Occupant une place prépondérante dans la stratégie de la finance nationale élaborée en 2019, le crowdfunding contribue réellement à l’enrichissement du paysage entrepreneurial marocain. Toutefois, l’adoption d’un arsenal réglementaire robuste est primordial pour préserver les droits de tous les acteurs concernés et assurer la viabilité des projets.
Par M. Boukhari
Si le cadre juridique est prêt, le Maroc va franchir une nouvelle étape cruciale dans le processus de réglementation du crowdfunding. Sur un ton empreint d'enthousiasme, le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a affirmé récemment que les premiers agréments pour ce mode de financement participatif devraient être incessamment délivrés. Cela fait déjà quelques années que le Royaume tente d’encadrer cette pratique qui ne cesse de gagner en popularité à travers le globe.
En mai 2022, la Banque centrale a publié 9 circulaires régissant le crowdfunding, soit une année après la publication de la loi 15-18 prévoyant les règles entourant cette activité au Bulletin officiel. Pareillement, en 2014, l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) avait publié une circulaire relative au financement collaboratif et définissant les règles et les obligations pour les plateformes et les investisseurs.
«L'annonce par le wali de Bank Al-Maghrib concernant la prochaine délivrance des agréments pour le crowdfunding au Maroc représente une évolution notable dans les sphères financière, entrepreneuriale et sociale. Cette initiative réglementaire va faciliter l'accès à des sources de financement alternatives, essentielles pour stimuler l'innovation et l'entrepreneuriat», souligne Sofiane Gadrim, directeur des nouvelles technologies (CTO) et cofondateur d’Atela, fintech spécialisée en trading algorithmique, blockchain et IA.
Le crowdfunding, une alternative précieuse Au Maroc, le crowdfunding est utilisé dans divers secteurs, notamment la technologie, l'agriculture, le social et l'immobilier. Les entrepreneurs et les organisations à la recherche de financement ont trouvé dans le crowdfunding une méthode alternative pour concrétiser leurs projets. Pour Gadrim, le financement collaboratif constitue une aubaine tant pour les investisseurs que pour les porteurs de projets.
«Pour les premiers, il ouvre un éventail d'opportunités d'investissement dans des projets diversifiés et innovants. Pour les seconds, notamment les PME et les startups, il représente une alternative précieuse aux canaux de financement traditionnels, souvent hors de portée. Cette méthode de financement est particulièrement bénéfique pour des projets situés dans des zones moins connectées, leur offrant une visibilité et des opportunités de financement auparavant limitées», explique-t-il.
Il considère par ailleurs qu’au-delà de l'aspect financier, le crowdfunding a un impact social notable. «Il crée un lien direct entre les porteurs de projets et un large public, renforçant ainsi un sentiment de communauté et d'engagement collectif. Les investisseurs ne se contentent pas de financer un projet, ils s'impliquent dans une aventure humaine et entrepreneuriale», dixit Sofiane Gadrim.
Un cadre réglementaire solide Bien que le crowdfunding soit en croissance, certains défis persistent, tels que la sensibilisation du public, la confiance des investisseurs et le besoin d'une infrastructure numérique robuste. Cependant, le crowdfunding offre une alternative de financement accessible pour les entrepreneurs et les projets qui pourraient avoir du mal à obtenir un soutien financier traditionnel. Ainsi, la mise en place de règles claires et d'une transparence totale est fondamentale pour conserver la confiance des investisseurs et assurer la viabilité des projets. A cet effet, fin septembre 2023, l’AMMC a lancé un portail ad hoc en vue d’accompagner les futurs acteurs de ce marché, et ce à plusieurs niveaux, principalement sur le plan réglementaire. «D'une part, il est essentiel de maintenir un cadre réglementaire solide pour protéger les investisseurs et les porteurs de projets contre les abus potentiels. D'autre part, il est important de ne pas étouffer l'innovation et la créativité par des contraintes excessives», insiste Gadrim. Et de poursuivre : «L'un des principaux enjeux du crowdfunding est la confiance. Les investisseurs et les donateurs doivent avoir la certitude que leur argent est utilisé à bon escient et que les projets qu'ils financent sont viables et authentiques. Pour cela, les plateformes de crowdfunding doivent effectuer une due diligence rigoureuse». Dans le détail, cela incomberait auxdites plateformes la responsabilité de non seulement s'assurer de la légitimité des projets qu'elles hébergent, mais aussi de veiller à ce que les investisseurs et les donateurs comprennent clairement dans quels projets ils investissent ou à quels projets ils contribuent par des dons. «Pour garantir l'équilibre entre innovation et sécurité, le cadre réglementaire du crowdfunding au Maroc doit donc être robuste, tout en restant suffisamment flexible pour encourager la créativité et l'entrepreneuriat. L'objectif est de créer un environnement où la transparence et la responsabilité sont valorisées, permettant ainsi à des projets innovants, sociaux et créatifs de voir le jour et de prospérer, tout en protégeant les intérêts des investisseurs ou donateurs», conclut Sofian Gadrim.