Entretien // Ahmed Laaboudi, professeur universitaire et Directeur général du Centre marocain de conjoncture.
◆ Le Royaume gagnerait à insuffler une nouvelle dynamique à la croissance, laquelle doit être tirée par les exportations.
◆ Une politique monétaire expansionniste serait facteur d’instabilité.
Par : Momar Diao
Finances News Hebdo : Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire qu’il est temps de changer le modèle de développement du pays. Selon vous, quelle devra être la trajectoire de celui-ci ?
Ahmed Laaboudi : Il faut rappeler que le CMC a tenu récemment sa 23ème journée d’étude portant sur la thématique du modèle de développement et ses déterminants majeurs. Cette trajectoire dont vous faites référence, peut s’apparenter au rôle des exportations pour la dynamisation du modèle de développement. Le Maroc en tant que petite économie à l’échelle mondiale est très ouvert sur le reste du monde sur le plan commercial. Le taux d’ouverture, qui prend en compte les importations et les exportations par rapport au PIB, tourne autour de 85%. Le Royaume est davantage intégré au reste du monde par les importations (autour de 50% du PIB) que par les exportations (un peu plus de 30% du PIB). A l’évidence, ces chiffres montrent que nous aurons de grosses difficultés économiques, si des mesures allant dans le sens de l’accélération du rythme de progression des exportations ne sont pas prises. J’estime que le changement du modèle de développement est une autre façon de dire que le Maroc s’inscrit dans une logique de recherche d’un nouveau souffle de croissance, laquelle doit être tirée par les exportations.
F.N.H. : Justement, au regard de l’idée que vous développez, la question subsidiaire est comment faire pour booster les exportations ?
A. l. : A mon sens, il faut une diversification productive. D’ailleurs, la 23ème rencontre du CMC a mis en exergue des secteurs à soutenir davantage, d’autant plus que ceux-ci enregistrent des performances remarquables en matière d’exportation. Le nouveau paradigme décrit plus haut est indispensable pour générer une croissance inclusive.
F.N.H. : Au regard du profil de la croissance actuelle, à quel horizon temporel situez-vous le décollage économique du Royaume qui nourrit de grandes ambitions en termes d’amélioration des indicateurs sociaux ?
A. l. : Tous les centres de prévisions économiques et de recherche sont unanimes sur l’existence de l’essoufflement de la croissance qui ne date pas de ces dernières années. Pour remédier à cette situation pour le moins handicapante et avoir une croissance durable et soutenable, il est nécessaire d’améliorer le climat des affaires. D’ailleurs, ceci est un voeu exprimé par la plupart des opérateurs économiques du pays. Il est également important de veiller à ce que l’investissement issu des secteurs public et privé soit générateur de croissance. Le Maroc fait de gros efforts en matière d’investissement. Le taux de celui-ci se situe autour d’un peu plus de 30% du PIB et les résultats ne sont pas au rendez-vous. En conséquence, de nouvelles orientations de la politique économique doivent être mises en place. Celles-ci doivent aller dans le sens de l’augmentation des exportations comme déjà mentionné.
F.N.H. : Quel est votre avis sur la politique monétaire menée par la Banque centrale ?
A. l. : La politique monétaire actuelle est très accommodante, au regard des injections monétaires effectuées par Bank Al-Maghrib. Ceci dit, ces facilités accordées par l’autorité monétaire pour accompagner l’activité économique doivent être contenues au niveau d’un certain seuil, car à défaut, celles-ci peuvent être à l’origine de l’inflation. Or, tout l’enjeu est de promouvoir la croissance dans la stabilité. La relance vient de l’activité économique et la monnaie est tout simplement un instrument d’accompagnement. La politique monétaire accommodante menée par BAM doit être prudente. L’augmentation de la masse monétaire a pour conséquence l’accroissement des prix, qui est particulièrement préjudiciable pour l’équilibre de la balance des paiements. Il est nécessaire que le réel coup de pouce provienne du secteur réel (entreprises et ménages). En définitive, dans le contexte du nouveau modèle de développement, j’estime que l’entreprise doit être au coeur de la logique de croissance.
Diversifier les marchés à l’export
Le rapport annuel du Centre marocain de conjoncture (CMC) consacré au «modèle d’exportation à l’horizon 2025» montre une forte concentration des exportations nationales sur le Vieux continent, qui s’accapare près des 2/3 des ventes à l’étranger du Royaume. Cette concentration est également confortée par le fait que l’Europe représente à elle seule 71% du chiffre d’affaires à l’export du Maroc. Outre l’amélioration de l’offre exportable, la diversification des marchés à l’export constitue aujourd’hui une nécessité à même de permettre au Maroc d’atteindre ses objectifs en matière de développement.