Made in Morocco : « La vision industrielle globale du Maroc est d’abord axée sur la souveraineté»

Made in Morocco : « La vision industrielle globale du Maroc est d’abord axée sur la souveraineté»

Dans cet entretien avec Finances News Hebdo, Ryad Mezzour dévoile les ambitions stratégiques du Maroc pour propulser le «Made in Morocco» sur la scène internationale. Le ministre de l’Industrie et du Commerce met en lumière les secteurs industriels clés, les défi s à surmonter et les politiques mises en œuvre pour renforcer la compétitivité des entreprises marocaines et tracer de nouvelles voies de développement durable et d’intégration industrielle au niveau mondial.

Finances News Hebdo : Quelle est votre vision stratégique pour la promotion de la marque «Made in Morocco» sur les marchés internationaux ?

Ryad Mezzour : Le Made in Morocco s’appuie sur l’engagement du Maroc à renforcer ses partenariats internationaux selon le principe win-win, dépassant les simples frontières de l’exportation. Dans cette logique, il faut souligner l’importance de tous les partenariats et accords avec de nombreux pays, sans oublier les partenariats établis avec les pays émergents et en développement en Afrique. Avec comme pierre d’achoppement la confiance du Royaume dans les capacités du continent africain. Aujourd’hui, le Maroc a des accords de libre-échange avec plus de 100 pays donnant accès à un marché de plus de 2,3 milliards de consommateurs. Dans cette logique, le Made in Morocco montre l’attractivité du Maroc, qui a été engendrée grâce à la vision clairvoyante de SM le Roi Mohammed VI. Aujourd’hui, le Maroc suit son chemin grâce à la vision clairvoyante et à l’ambition de SM le Roi, avec de nouvelles stratégies, avec le nouveau modèle de développement et le programme gouvernemental. C’est ce qui fait que le Made in Morocco est aujourd’hui reconnu mondialement et au niveau national, vu que 79% des Marocains préfèrent le produit national à celui importé.

 

F. N. H. : Quels sont les secteurs industriels prioritaires pour le gouvernement marocain afin de renforcer le label «Made in Morocco» ?

R. M. : La vision industrielle globale du Maroc est d’abord axée sur la souveraineté et la réponse aux besoins des citoyens marocains. Cette vision englobe des domaines tels que la sécurité alimentaire, sanitaire, la souveraineté énergétique et la transition vers les énergies renouvelables, une transition d’autant plus pertinente après les leçons tirées de la pandémie de la COVID-19. Le Maroc est historiquement connu pour sa production de produits artisanaux, de produits agroalimentaires, mais progressivement il occupe une place importante sur la scène internationale dans la production de pièces automobiles et aéronautiques. Dès 2005, 7 secteurs industriels ont été identifiés comme prioritaires : l’offshoring, l’automobile, l’aéronautique, l’électronique de spécialité, l’agroalimentaire, les produits de la mer et le secteur textile. Ce plan stratégique s’articule essentiellement autour de la banque de projets industrielle pour substituer les produits importés par des produits locaux, conformément à la vision du nouveau modèle de développement, qui vise à accélérer le développement industriel afin d’augmenter la création d’emplois et de générer davantage de valeur ajoutée. Aujourd’hui, l’un des secteurs importants dans notre stratégie Made in Morocco est le domaine aéronautique dans lequel le Maroc occupe la 20ème position mondiale. La capacité du Royaume à produire n’importe quelle pièce d’avion est importante. Preuve en est l’inauguration récente d’un site de production spécialisé dans la fabrication d’une pièce hautement sensible du moteur, une pièce qui est fabriquée dans seulement cinq pays dans le monde. Le Maroc possède une expertise solide dans le secteur aéronautique et a présenté la fabrication d’un avion complet comme un objectif d’avenir. Cette barre fixée pourrait être atteinte avant l’année 2030, marquant ainsi une étape significative dans l’histoire industrielle du pays. L’autre secteur important est incarné par les capacités actuelles du Maroc dans la production automobile, avec les perspectives d’augmentation des exportations et les investissements importants dans la production de batteries pour les voitures électriques.

 

F. N. H. : Quels sont les principaux défis auxquels les entreprises marocaines doivent faire face pour être compétitives à l’échelle mondiale ?

R. M. : Il faut renforcer les efforts continus du Maroc dans la construction d’une chaîne de production intégrée, notamment des investissements pour garantir un avenir industriel prospère. La vision du Maroc pour l’avenir industriel semble ambitieuse, plaçant le pays sur la voie d’une croissance économique soutenue et d’une position de hub régional dans les secteurs de l’industrie aéronautique et automobile. Dans cette perspective, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures afin de protéger l’industrie nationale de la concurrence féroce, notamment celles qui résultent de l’importation illégale ou de l’importation massive qui menace d’impacter le secteur de la production. La loi 15.09 sur les mesures de protection du commerce a été élaborée pour protéger le secteur de la production nationale de la concurrence déloyale, dans le cadre du respect des obligations internationales du Maroc. A cet égard, dans le cadre de la protection de l’industrie locale, le gouvernement a augmenté les droits de douane de 25% à 40% sur l’importation des produits prêts à consommer, dans le but de renforcer la protection de l’industrie locale et la consommation de ses produits et la réduction du déficit commercial. Dans ce sens, le ministère a également travaillé sur l’augmentation des droits de douane pour un certain nombre de produits dans le cadre de la Loi de Finances de 2022. Mais également la mise en œuvre de l’accord de libre-échange modifié avec la Turquie, par lequel les droits de douane ont été révisés pour une liste de 1.200 produits, en vue d’atteindre 90% des produits pour une période de cinq ans, renouvelable une seule fois.

 

F. N. H. : Quelles mesures le gouvernement a-t-il mises en place pour soutenir les PME et les startups dans le cadre du «Made in Morocco» ?

R. M. : Les mesures prises dans ce sens sont nombreuses, j’en cite une des dernières en date : l’accompagnement de 100 startups Retail Tech. Cet accomplissement marque le début d’une transformation profonde du commerce marocain, en alignement avec les visions stratégiques de modernisation et de digitalisation du secteur. Aujourd’hui, la concrétisation de cette première étape clé ouvre la voie à de nouvelles perspectives pour favoriser davantage l’autonomie et la compétitivité du secteur du commerce à travers la dynami

sation de l’écosystème Retail Tech marocain, et le renforcement de la collaboration entre les différents partenaires. Cette action s’inscrit dans une démarche globale visant à soutenir les jeunes entrepreneurs par la mise en relation avec les acteurs clés de l’écosystème marocain et l’émergence de collaborations fructueuses entre les entreprises et les startups accompagnées.

 

F. N. H. : Comment le ministère collabore-t-il avec les acteurs privés pour promouvoir l’innovation et la qualité des produits marocains ?

R. M. : Notre objectif affiché est de soutenir les projets industriels et les domaines technologiques liés à l’industrie, particulièrement les métiers d’avenir. C’est dans ce sens que nous avons signé des accords avec la CGEM, les porteurs de projets et les présidents des clusters choisis. Ces contrats s’inscrivent dans le cadre du programme d’appui à l’innovation industrielle financé à travers le Fonds de soutien de l’innovation (FSI). Les 44 projets constituent le deuxième lot sélectionné à l’issue de l’appel à projets lié à ce programme conjoint du ministère et de la CGEM. L’État, par le biais du FSI, accorde une prime à l’innovation d’environ 114 MDH pour ces projets. Le premier lot comprenait 14 projets, dont les contrats de financement ont été signés en juillet 2023. Le coût total de ces projets s’élevait à environ 50 MDH, avec une contribution de l’État de 28 MDH. Les 24 entreprises industrielles porteuses des nouveaux projets sélectionnés se répartissent en 6 grandes entreprises, 12 petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que 6 startups industrielles. Cette initiative intervient dans le cadre de la mise en œuvre des Hautes orientations royales visant la promotion de l’innovation et la valorisation de l’industrie nationale. Cette initiative permet de consolider davantage l’écosystème national de l’innovation, d’accélérer la montée en gamme des produits «Made in Morocco», d’améliorer l’intégration locale et d’assurer le développement technologique de l’industrie marocaine. Le Maroc, qui regorge de talents prometteurs, est sur la voie de renforcer sa position en tant que pôle d’excellence dans des domaines clés de l’économie moderne.

 

F. N. H. : Quel rôle joue le développement durable dans la stratégie «Made in Morocco» ?

R. M. : La décarbonation de l’industrie se présente comme l’outil le plus efficace pour améliorer la compétitivité de l’industrie nationale. Les fondements du processus de décarbonation ont été établis grâce à la stratégie des énergies renouvelables lancée en 2009, qui a positionné le Maroc parmi les pays les plus compétitifs au monde en matière de production d’énergie à partir de sources renouvelables. Ce positionnement offre à l’industrie marocaine un avantage concurrentiel considérable, en lui permettant de proposer une énergie propre à des coûts extrêmement compétitifs aux opérateurs nationaux et internationaux. Dans le cadre de ladite transition vers une économie circulaire et un écosystème vert de valorisation des déchets, de nouvelles mesures sont prises pour accélérer l’émergence de cet écosystème. Les objectifs à atteindre d’ici 2030 sont clairs : la valorisation de 65% des déchets, dont près de 55% par la valorisation matière, la création de 60.000 emplois, dont 9.500 dans la valorisation des déchets, la réalisation d’un chiffre d’affaires de 12 milliards de dirhams et la génération de 3,7 milliards de dirhams de valeur ajoutée dans la valorisation des déchets. Dans ce sens, le développement durable et inclusif de l’industrie marocaine est considéré comme un enjeu majeur pour accéder aux marchés étrangers, réduire les coûts de production et améliorer la compétitivité du pays. Le ministère s’est engagé dans cette démarche en fournissant aux industries des moyens techniques et financiers pour accompagner leur décarbonation. La transition énergétique offre à nos opérateurs industriels des gisements de croissance écoresponsables à saisir pour monter en compétitivité et amorcer la décarbonation de leurs productions. C’est une opportunité idoine pour disposer d’une énergie propre à des coûts très compétitifs et favoriser le développement d’un tissu industriel national sans carbone. Nous soutenons pleinement l’émergence de nouvelles filières industrielles vertes compétitives et l’intégration industrielle dans le secteur des énergies renouvelables afin d’accompagner la politique énergétique nationale, sous le leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste.

 

F. N. H. : Quelles sont les initiatives prévues pour attirer davantage d’investissements dans le secteur industriel marocain ?

R. M. : Grâce à la nouvelle Charte de l’investissement en tant qu’outil stratégique pour libérer le potentiel des investissements privés nationaux et internationaux, notre objectif est de faire passer les investissements privés à deux tiers de l’investissement total. Avec cette mesure importante, le Maroc a créé un environnement propice au développement économique, permettant l’émergence de champions nationaux capables de rivaliser sur la scène internationale. Le Royaume se positionne actuellement comme une destination privilégiée pour l’investissement en Afrique et dans la région MENA (MoyenOrient et Afrique du Nord), grâce à ses infrastructures modernes et son environnement politique stable, offrant aux investisseurs un cadre favorable pour le succès de leurs projets. Prenons l’exemple de l’industrie automobile : dès la reprise de la relance à l’échelle mondiale, nous étions les premiers à remplir le carnet de commandes. Sans oublier que le Maroc dispose, grâce à la banque de projets lancée au début de la crise sanitaire, de plus de mille projets concrets qui visent à créer plus de 200.000 emplois directs et indirects. Dans ce sens, entre 2021 et 2024, plus de 170 accords d’investissement ont été signés, totalisant environ 21 milliards de dollars, ce qui devrait créer plus de 115.000 emplois.

 

F. N. H. : Comment le ministère envisage-t-il d’améliorer les infrastructures logistiques pour faciliter l’exportation des produits «Made in Morocco» ?

R. M. : Il faut souligner ici les efforts du Royaume pour attirer les investisseurs en ouvrant ses marchés et en investissant lourdement dans les infrastructures, la logistique et les ressources humaines pour augmenter sa compétitivité. Cela passe par des routes, des autoroutes, des ports modernes, des aéroports, des zones de fret, des structures de logistiques performantes… Au Maroc, qui n’a pas de grosses réserves naturelles, la décision a été prise au plus haut sommet de l’État de favoriser l’action, de construire les infrastructures, de travailler sur le long terme et dans le cadre de plans, et de faire en sorte que chaque génération construit pour la prochaine, avec à chaque fois des visions sur trente ans.

 

F. N. H. : Quel est l’impact des accords de libreéchange sur la compétitivité des produits marocains à l’étranger ?

R. M. : Il faut souligner le rôle joué par les accords de libre-échange, comme des bases d’intégration commerciale visant à renforcer la valeur ajoutée dans les pays africains partenaires. Dans ce sens, le Maroc a l’ambition d’augmenter les échanges intra-africains, passant de 15% à 26%, grâce à une stratégie de coopération claire entre les pays côtiers et méditerranéens. Pour mettre en œuvre ce plan, il faut savoir qu’un groupe de travail chargé de réaliser la souveraineté industrielle a été constitué autour du renforcement de la souveraineté nationale et de l’encouragement de la stratégie Made in Morocco. Pour ce faire, il est nécessaire de soutenir et développer l’insertion locale, accompagner les porteurs de projets en les mettant en relation avec tous les partenaires concernés, et finalement le soutien de leurs capacités productives via des investissements financiers.

 

 

 

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