Le modèle de mobilisation et de gestion des ressources en eau a atteint ses limites.
L’interconnexion entre les bassins et les autoroutes de l’eau reste une option indispensable.
Par M. Diao
Le climat semi-aride du Maroc a rendu le pays dépendant des aléas climatiques, caractérisés par une alternance des années humides et d’autres plus sèches. Le stress hydrique s’accentue de plus en plus et les réserves en eau sont sous forte pression, notamment dans les régions sud du Royaume. Lors du Conseil de gouvernement du 6 janvier 2022, Nizar Baraka, ministre de l’Equipement et de l’Eau, a fait état d’un constat alarmant de la situation hydrique nationale, notamment la diminution de 59% des apports en eau pour la saison 2020/2021.
Une tendance qui se poursuit également en 2022, se répercutant automatiquement sur les réserves des barrages qui ont atteint, au 10 janvier, 5,5 milliards de m3 , soit un taux de remplissage de 34,1% contre 40,6% au cours de la même période de l’année dernière, et plus de 62% en 2017. L’ONEE a recensé 53 centres urbains déficitaires en 2021, soit 7% du réseau d’eau potable géré par l’Office et 22 centres risquent de le devenir en 2022. La situation est encore plus compliquée dans les zones rurales. L’amenuisement de la nappe phréatique et la baisse des niveaux des puits ont poussé de nombreux habitants à s’approvisionner en eau dans des lieux toujours plus éloignés.
Au cours de la période estivale, le ministère de l’Intérieur avait pris des mesures urgentes, notamment le déploiement de camions citernes et l’installation des réservoirs d’eau pour l’abreuvage et l’alimentation en eau potable. Force est de constater que les régions ayant un déficit hydrique sont en manque de ressources mobilisables. Elles sont localisées essentiellement dans les régions sud du Royaume. C’est le cas, entre autres, de SoussMassa, Chichaoua, R’hamna, El Haouz, Abda, Ouarzazate et aussi l’Oriental. D’où le constat que le Nord du pays présente un excédent hydrique et le sud un déficit chronique. Baraka a affirmé que la stratégie du gouvernement comporte l’interconnexion des systèmes hydrauliques entre les bassins, pour assurer une gestion intégrée et efficace des ressources en eau de nature à réduire les disparités spatiales.
Mais pourquoi donc le projet des autoroutes de l’eau visant à équilibrer les apports en eau entre le nord et le sud du Royaume n’a-t-il pas encore vu le jour ? Car plus ce chantier tardera à se concrétiser, plus la facture sera salée. Ce méga projet, qui a germé du temps du protectorat, a toujours été confronté au financement, estimé à plus de 36 milliards de DH. Une enveloppe qui devrait être revue à la hausse dans les années à venir. Plusieurs tentatives pour relancer ce projet ont été initiées, mais n’ont pas dépassé le stade de l’étude. La dernière en date remonte à 2014, où le groupement composé des cabinets Novec, CID et Typsa avait remporté l’appel d’offres pour la réalisation de la conception. Le programme comporte deux grands barrages de stockage, plusieurs stations de pompage et des centaines de kilomètres de canalisation.
Techniquement, il consiste en la construction d’un vaste ensemble de canaux artificiels (pas moins de 500 km). L’eau sera acheminée des bassins des oueds Laou, Loukkos et Sebou excédentaires, vers ceux déficitaires de l’Oum Er Rbia, Tensift et Draa. Plusieurs grands barrages sont concernés (Al Wahda, Oued El Makhazine, Mohammed Ben Abdallah et Al Massira). La première phase consiste à alimenter en eau potable Marrakech et les villes environnantes et satisfaire les besoins d’irrigation d’Al Haouz, avec pas moins de 400 millions de m3 qui seront mobilisés.
Cette opération permettra également de réduire sensiblement les risques d’inondation qui impactent les régions du Gharb et du Loukkos. Dans une seconde phase, il est prévu d’alimenter les régions de Chaouia, Abda, Chiadma, Haha et Souss, des zones qui disposent d’un potentiel important en matière agricole, mais dont le déficit hydrique perturbe sensiblement tous les efforts de développement. Ces autoroutes hydriques seraient par endroits à ciel ouvert ou enterrées suivant les tronçons. Elles devraient être accompagnées de plusieurs stations de pompage géantes et comptent trois phases.