Taux de change, matières premières et politiques monétaires : pressions croisées sur les exportations marocaines

Taux de change, matières premières et politiques monétaires : pressions croisées sur les exportations marocaines

À première vue, les exportations marocaines dépendent surtout de la qualité de l’offre, de l’ouverture des marchés et des accords commerciaux. Mais à y regarder de plus près, leur performance est aussi dictée par des forces invisibles : taux de change volatils, flambée des matières premières et décisions monétaires.

Depuis le début de l’année, le Dirham s’est nettement renforcé face au Dollar. Officiellement, c’est un bon signe : il reflète une économie jugée plus stable, un excédent de devises, une politique monétaire prudente. Mais pour un industriel qui exporte vers des marchés libellés en Dollars, comme les États-Unis, l’Afrique subsaharienne ou une partie de l’Asie, le résultat est clair : ses produits coûtent désormais plus chers à l’arrivée.

Selon le Mohamed Benchekroun, économiste, cette appréciation du Dirham (8,3% entre janvier et avril 2025) «réduit la compétitivité des exportations marocaines dans plusieurs zones. Les prix montent pour les clients étrangers, ce qui peut ralentir la demande ou pousser ces clients à se tourner vers d’autres fournisseurs».

Le phénomène n’est pas nouveau, mais il devient plus préoccupant dans un contexte où les marges à l’export se resserrent, où la concurrence est vive, et où la volatilité monétaire s’ajoute à d’autres contraintes.

Matières premières : le vrai point de tension

Les entreprises marocaines qui exportent dépendent aussi, souvent, d’intrants importés : hydrocarbures, engrais, composants électroniques, matériaux semitransformés. Et ces marchés sont, eux aussi, exposés à une forte instabilité. «Les hausses brutales du gaz, des engrais ou des céréales, dues à des événements géopolitiques ou climatiques, renchérissent les coûts de production», poursuit Benchekroun.

«Dans bien des cas, ces hausses ne peuvent pas être intégralement répercutées sur les prix à l’export. Résultat: les marges s’érodent, les flux se tendent, et l’exposition au risque s’accroît». C’est le cas dans l’agroalimentaire, la chimie et les matériaux de construction. Et ce l’est aussi pour des industries plus récentes, comme l’automobile ou l’aéronautique, dont certaines chaînes d’approvisionnement restent partiellement dépendantes de matières premières importées.

 

Banques centrales : des décisions qui pèsent, même de loin

Les politiques monétaires menées aux États-Unis ou en zone Euro ont des répercussions concrètes sur les exportations marocaines. Quand les taux d’intérêt augmentent dans ces régions (comme c’est le cas depuis deux ans), cela freine la demande, renchérit le crédit pour les acheteurs et ralentit les investissements. Pour les exportateurs marocains, cela peut se traduire par des reports de commandes, des délais de paiement rallongés ou des risques accrus de défaillance chez les clients. Les entreprises qui travaillent avec l’Europe, premier partenaire commercial du Royaume, sont directement concernées.

La Banque centrale du Maroc, de son côté, maintient une posture de stabilité. Pas d’intervention brutale, ni sur les taux ni sur la parité. Cette prudence est assumée. «La Banque centrale doit viser une stabilité du taux de change pour offrir de la visibilité aux opérateurs», juge Benchekroun. «Mais cette stabilité seule ne suffit pas. Il faut aussi construire des mécanismes de résilience face aux chocs extérieurs». Au final, l’évolution des taux, des devises ou des matières premières n’est pas un décor de fond. Ce sont des forces qui traversent les comptes d’exploitation, les stratégies commerciales, les décisions d’investissement. Et elles imposent une nouvelle discipline à tous les maillons de la chaîne export.

 

 

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