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CONJONCTURE. Les voyants économiques au vert

CONJONCTURE. Les voyants économiques au vert

Si elle n’échappe pas aux tensions géopolitiques et aux incertitudes commerciales internationales, l’économie marocaine semble néanmoins s’inscrire dans une dynamique positive. C’est ce que laisse entrevoir la dernière réunion du Conseil de Bank Al-Maghrib, tenue le 24 juin 2025, qui confi rme une tendance de fond : la reprise se consolide, l’infl ation refl ue et les principaux moteurs internes reprennent de la vigueur.

Le contexte international reste, il est vrai, particulièrement instable. La croissance mondiale ralentit, sous l’effet des tensions commerciales relancées par l’administration américaine, des conflits prolongés en Ukraine et au MoyenOrient et de la guerre ouverte entre Israël et l’Iran. Ces incertitudes pèsent sur les chaînes d’approvisionnement, les prix de l’énergie et les prévisions d’investissement.

Dans ce contexte, la Banque centrale prévoit un recul de la croissance mondiale à 2,8% en 2025, après 3,2% en 2024, puis une nouvelle baisse à 2,6% en 2026. Les grandes économies avancées, notamment les Etats-Unis et la zone Euro, ne font pas exception à cette tendance.

Mais le Maroc, sans faire abstraction de ce climat pesant, affiche de bonnes performances économiques dans plusieurs domaines clés. Il parvient à se détacher partiellement de l’inertie globale, grâce à des fondamentaux plus solides, une politique budgétaire proactive, une stratégie d’investissement ciblée et à un retour de confiance des acteurs économiques.

 

Croissance, inflation, finances publiques : des moteurs qui repartent

La première bonne nouvelle concerne la croissance. Après une année 2024 mieux orientée qu’escomptée avec 3,8% de progression du PIB, selon le haut-commissariat au Plan, la croissance économique devrait nettement accélérer en 2025 pour atteindre 4,6%, avant de se stabiliser autour de 4,4% en 2026. Cette dynamique s’explique par la reprise simultanée des deux grands moteurs de l’économie marocaine : l’agriculture et les activités non agricoles.

Du côté agricole, la récolte céréalière, estimée à 44 millions de quintaux pour 2025, permettrait à la valeur ajoutée du secteur de progresser de 5%. Une performance modeste mais salutaire, après plusieurs années marquées par les effets prolongés de la sécheresse. En 2026, sous l’hypothèse d’une production céréalière moyenne (50 millions de quintaux), l’activité agricole devrait croître de 3,2%. Ce redressement, bien que fragile, offre une bouffée d’oxygène au monde rural. Mais c’est surtout dans les secteurs non agricoles que l’élan est perceptible.

Bank Al-Maghrib table sur une croissance de 4,5% en 2025 comme en 2026 pour ces activités, portée par un sursaut d’investissement dans les infrastructures. Le Maroc, qui se prépare à accueillir la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et co-organisera la Coupe du monde de football en 2030, a enclenché une série de grands chantiers : routes, lignes ferroviaires, installations sportives, équipements urbains… L’effet d’entraînement sur les BTP, les services, le commerce et l’industrie est déjà visible. A cela s’ajoutent les efforts structurels liés à la transition climatique, la digitalisation et la montée en gamme de l’économie, qui commencent à porter leurs fruits. L’autre élément clé du tableau est l’inflation.

Après des pics atteints en 2022 et 2023, la hausse des prix est désormais contenue. De 2% en moyenne au premier trimestre 2025, l’inflation est tombée à 0,7% en avril, puis à 0,4% en mai, selon BAM, qui attribue ce reflux principalement à la baisse des prix alimentaires, en particulier ceux des viandes fraîches. Pour l’ensemble de l’année, l’inflation devrait s’établir autour d’une moyenne de 1%, avant un léger rebond à 1,8% en 2026. Le fait que l’inflation sous-jacente suive la même trajectoire témoigne d’une tendance de fond.

BAM précise cependant que «ces perspectives restent entourées de fortes incertitudes liées notamment, au plan externe, aux politiques commerciales et aux implications des conflits et des tensions géopolitiques et, au niveau interne, à l’évolution de l’offre des produits agricoles». Les anticipations d’inflation du secteur financier sont elles aussi modérées : 2,3% en moyenne à l’horizon de 8 trimestres, 2,5% à 12 trimestres. Ce contexte permet à la Banque centrale de garder son cap sans brusquer les marchés, d’où la décision de maintenir le taux directeur inchangé à 2,25%. Un choix dicté par l’équilibre délicat entre soutien à l’activité et maîtrise de la stabilité des prix.

Depuis le début du cycle d’assouplissement engagé en juin 2024, les taux débiteurs appliqués aux crédits ont diminué de 45 points de base, ce qui commence à stimuler le financement, notamment au profit des TPME. La Banque centrale reste cependant vigilante et fondera ses décisions futures, réunion par réunion, sur les données les plus récentes. Par ailleurs, les comptes extérieurs confirment, eux aussi, cette embellie relative. Les exportations devraient progresser de 5,1% en 2025 et de 9% en 2026, avec une forte contribution des phosphates et de leurs dérivés, qui atteindraient 106,7 milliards de dirhams à l’horizon 2026. Les ventes du secteur automobile devraient stagner cette année, pénalisées par un marché européen en repli, mais reprendraient de la vigueur dès l’an prochain pour s’établir à 188 Mds de DH.

En parallèle, les importations augmenteraient au même rythme (5,1% cette année et 7% en 2026), portées par la demande en biens d’équipement et matériaux nécessaires aux grands chantiers. La facture énergétique, quant à elle, poursuivrait son allègement pour s’établir à 96 Mds de DH en 2026. De son côté, le secteur touristique poursuit sa remontée spectaculaire, avec des recettes voyages qui devraient culminer à 128,4 milliards de dirhams en 2026. Les transferts des Marocains résidant à l’étranger, en revanche, montrent un repli temporaire, mais devraient retrouver une pente ascendante à partir de l’an prochain (121 milliards de dirhams prévus en 2026).

Résultat : un déficit courant maîtrisé, autour de 2% du PIB en 2025 et 2026, des investissements directs étrangers en hausse (3,5% du PIB en 2026) et des réserves internationales renforcées (407 Mds de DH à fin 2025, puis 423,7 Mds de DH fin 2026) avoisinant l’équivalent de 5,5 mois d’importations de biens et services. Concernant les conditions monétaires, elles restent sous tension, avec un déficit de liquidité bancaire qui devrait s’alléger à 122,5 milliards de dirhams fin 2025, avant de se creuser de nouveau en 2026 (140 milliards de DH). Toutefois, le crédit bancaire au secteur non financier connaît une nette reprise : +6% attendus en 2025 et en 2026 contre seulement 2,7% en moyenne les deux années précédentes. Les finances publiques accompagnent ce mouvement.

Les recettes ordinaires, en hausse de 17% sur les quatre premiers mois de l’année, traduisent une amélioration du recouvrement fiscal et de l’activité économique. Les dépenses globales ont, elles aussi, progressé de 23,6%, mais cette hausse est liée à l’accélération aussi bien des dépenses ordinaires que celles au titre de l’investissement. En cela, le déficit budgétaire, hors produit de cession des participations de l’Etat, devrait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, se maintenir à 3,9% du PIB en 2025, avant de s’alléger à 3,4% en 2026. Au vu de l’ensemble des indicateurs, l’économie marocaine entre clairement dans une phase de redressement.

Cette reprise ne repose pas sur des effets conjoncturels passagers, mais sur une dynamique structurelle fondée sur l’investissement, la modération des prix, le soutien au crédit et la modernisation de l’appareil productif... Elle traduit également les efforts consentis par les pouvoirs publics pour anticiper les mutations mondiales et préparer l’économie à de nouveaux défis : changement climatique, transition énergétique, digitalisation, compétitivité industrielle et sécurité alimentaire.

 

Chômage : L’ombre au tableau économique
Malgré une reprise vigoureuse attendue en 2025, le marché de l’emploi reste atone. Le chômage, notamment chez les jeunes, reste un défi majeur pour l’économie nationale. Entre le premier trimestre 2024 et celui de 2025, le taux de chômage est passé de 13,7 à 13,3%. Un recul symbolique, insuffisant pour masquer la réalité du terrain : plus de 1,6 million de Marocains sont toujours à la recherche d’un emploi. Et chez les jeunes de 15 à 24 ans, la situation est carrément préoccupante : près de 4 sur 10 sont sans activité professionnelle. Le taux de chômage dans cette tranche d’âge atteint en effet 37,7%, un niveau parmi les plus élevés du continent. Cette situation s’explique en partie par un décalage structurel entre les dynamiques de croissance et le marché de l’emploi. En 2025, l’économie marocaine devrait progresser de 4,6% au lieu des 3,9% initialement prévus, portée par une reprise du secteur agricole et un regain d’activité dans les secteurs non agricoles, stimulés notamment par les investissements liés à la LGV, à la CAN 2025 et à la Coupe du monde 2030. Pour autant, cette croissance peine à se traduire par une amélioration significative de l’emploi. En cause : la faible capacité du tissu productif à absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail. Parallèlement, le sous-emploi gagne du terrain, passant de 10,3 à 11,8% en un an. Conscient de l’urgence, le gouvernement a présenté récemment une nouvelle feuille de route pour l’emploi, censée apporter des réponses plus structurées à la problématique endémique du chômage. L’approche, désormais articulée autour de l’équilibre entre l’offre de formation et la demande des entreprises, vise à mieux adapter les compétences aux besoins réels du marché. Pour cela, 15 milliards de dirhams seront mobilisés afin de soutenir les PME, encourager l’auto-emploi et renforcer les passerelles entre formation et insertion professionnelle. L’ANAPEC, qui joue un rôle central dans ce dispositif, est appelée à se moderniser pour devenir un véritable levier d’insertion professionnelle.

 

 

 

 

 

 

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