La 12ème conférence «Equity» de CFG Bank, tenue à Marrakech, a réuni investisseurs locaux et étrangers autour des perspectives de la Bourse de Casablanca. Si la volatilité récente interpelle, les fondamentaux demeurent solides et les analystes de CFG Marchés estiment que la tendance haussière reste intacte, soutenue par une politique monétaire accommodante, la dynamique d’investissement national et la réintégration du Maroc dans la catégorie «Investment Grade».
Par A. Hlimi
Depuis douze ans, la conférence Equity de CFG Bank s’impose comme le rendez-vous de référence entre investisseurs et émetteurs marocains. L’édition 2025 a réuni à Marrakech 28 sociétés cotées et plus de 110 investisseurs représentant 15 nationalités, témoignant d’un intérêt renouvelé pour le marché marocain. Selon Yasser Benchekroun, Head of Sales and Trading chez CFG Marchés, la rencontre s’inscrit dans un contexte de «correction saine» après plusieurs mois de forte progression du MASI.
«Cette phase n’invalide en rien la tendance de fond», précise-t-il, «au contraire, elle ouvre de nouvelles opportunités pour ceux qui n’ont pas encore profité de la hausse précédente». Les investisseurs étrangers, loin d’être effrayés par le repli des dernières semaines, se sont d’ailleurs montrés acheteurs nets sur cette phase de consolidation. Une confiance qui s’explique par le retour de la note Investment Grade, la solidité macroéconomique du Royaume et la visibilité croissante liée aux grands chantiers nationaux, notamment ceux préparatoires à la Coupe du monde 2030.
Un marché «à sa juste valeur»
Pour Maha Karrakchou, directrice de la Recherche chez CFG Marchés, la Bourse de Casablanca se situe aujourd’hui «à sa fair value». Les calculs de CFG font ressortir un PER théorique de 21,8x contre un PER constaté de 21,4x sur les bénéfices agrégés 2025.
«Le différentiel est marginal, d’environ 2%, ce qui indique que le marché traite à un niveau cohérent avec ses fondamentaux», explique-t-elle. Cette évaluation repose sur deux paramètres clés. D’une part, la croissance solide des bénéfices (+14% au premier semestre 2025) et, d’autre part, le maintien de taux d’intérêt bas, dans un environnement monétaire désormais plus souple. Le scénario central de CFG prévoit une baisse graduelle du taux directeur de Bank Al-Maghrib dans les douze prochains mois, soutenue par un retour de l’inflation autour de 1 à 1,5%, et par un redressement budgétaire continu. Une détente des taux renforcerait ainsi mécaniquement les valorisations boursières.
Une dynamique d’investissement sans précédent
Les fondamentaux économiques restent robustes. Depuis deux décennies, le Maroc a déployé une série de plans sectoriels structurants, de l’automobile à l’aéronautique, en passant par la logistique, la santé ou l’agro-industrie. Mais c’est surtout depuis 2021 que la courbe s’est véritablement accélérée. Les investissements publics sont passés de 190 milliards de dirhams par an en moyenne avant la pandémie à plus de 320 milliards sur la période 2023-2025, soit une hausse de 80%. À cela s’ajoutent les projets d’infrastructures hydriques, énergétiques et sportives liés à la Coupe d’Afrique 2025 et au Mondial 2030, qui agissent comme catalyseurs de la croissance et de l’emploi. «Le marché marocain n’est pas cher, il est prometteur», résume l’analyste. Une conviction partagée par la communauté financière, réunie à Marrakech, qui voit dans la Bourse de Casablanca l’un des points d’ancrage les plus dynamiques d’Afrique du Nord.
Les secteurs à fort potentiel, selon CFG Marchés
Les analystes de CFG Marchés identifient plusieurs segments à potentiel de croissance durable : le BTP et les infrastructures, le secteur bancaire, les technologies, la logistique portuaire, l’agro-industrie, la santé et le tourisme. Chacun bénéficie d’un environnement porteur : commandes publiques, modernisation du tissu productif, réformes structurelles ou encore ouverture sur l’Afrique.
TGCC : bâtir sur la croissance
L’entreprise de construction TGCC est l’un des principaux bénéficiaires de la relance des infrastructures au Maroc. Son acquisition de STAM, acteur majeur du BTP, lui a permis de se diversifier vers les infrastructures linéaires (routes, hydraulique, ouvrages d’art). En se positionnant sur les chantiers publics liés à la sécurité hydrique, aux barrages et aux stades, TGCC renforce son statut de leader intégré. Sa stratégie repose sur la consolidation du marché domestique et une montée en gamme dans l’ingénierie lourde.
HPS : transition vers le modèle SaaS
Pionnier mondial du paiement électronique, HPS traverse une phase de mutation stratégique. Son plan «Accelerate» vise à passer d’un modèle de licences installées à un modèle SaaS fondé sur la souscription et l’hébergement interne. Après un premier semestre 2025 en demi-teinte, le groupe devrait voir les effets positifs de cette transformation à partir de 2026-2027, avec une meilleure récurrence de revenus et une rentabilité accrue. Pour CFG Marchés, HPS reste une valeur de croissance technologique à long terme à acheter.*
Marsa Maroc : la puissance logistique
Leader du secteur portuaire, Marsa Maroc détient près de 45% de parts de marché hors transbordement et exploite 10 ports à travers le Royaume. Le groupe poursuit sa montée en puissance avec de nouvelles concessions à Nador West Med, en partenariat avec CMA CGM et MSC, ainsi qu’une expansion internationale au Bénin, Djibouti et Libéria. Son intégration verticale et son exposition croissante aux flux africains en font un acteur stratégique du commerce maritime régional.
CMGP : la force de l’agro-industrie intégrée
Introduite récemment en Bourse, CMGP incarne la modernisation du secteur agricole marocain. Le groupe, actif dans l’irrigation, le phytosanitaire et désormais les semences, bénéficie des investissements massifs liés à la sécurité alimentaire et à la gestion de l’eau. Son modèle intégré et ses acquisitions successives (Philea, CAS, Delta Irrigation, Agrosem, CPCM) en font une valeur de croissance structurelle, tirée par la mécanisation et la technologie au service de l’agriculture.
Akdital : consolider le leadership sanitaire
Première chaîne de cliniques privées cotée au Maroc, Akdital poursuit une stratégie d’expansion rapide. De cinq cliniques en 2020, le groupe vise 62 établissements d’ici 2027, avec une capacité de 6.200 lits. Cette croissance est portée par la généralisation de l’AMO, la loi 13-131 qui ouvre le capital du secteur aux investisseurs privés, et la réforme de la tarification nationale. La société reste un pur player de la santé privée à forte visibilité, dotée d’un management ambitieux et rigoureux.
Vicenne : l’innovation au service de la santé
Cotée depuis peu, Vicenne s’impose comme un fournisseur clé de solutions technologiques et biomédicales pour les établissements de santé publics et privés. Présente également en Côte d’Ivoire et au Sénégal, la société devrait bénéficier de la régionalisation sanitaire, de la montée en puissance des groupements hospitaliers et du besoin croissant en équipements intelligents. CFG Marchés anticipe une croissance soutenue portée par la digitalisation des soins et l’essor de la télémédecine.
Risma : le tourisme entre dans un nouveau cycle
La reprise du tourisme place Risma au cœur d’un secteur en pleine euphorie. Avec 23 hôtels répartis sur 11 villes, la société vise 28 unités à horizon 2030. Ses récentes acquisitions à Marrakech (hôtel Radisson Blu et centre commercial Carré Eden) et un futur projet 5 étoiles à Tanger marquent une stratégie de montée en gamme. Soutenue par la feuille de route nationale du tourisme (17,5 millions d’arrivées dès 2024 contre un objectif initial pour 2026), Risma dispose d’un levier de croissance exceptionnel.