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Promotion immobilière : ce que dit vraiment la reprise du crédit

Promotion immobilière : ce que dit vraiment la reprise du crédit

Le crédit bancaire accordé aux promoteurs immobiliers renoue avec la croissance après plusieurs années de repli. Faut-il y voir les prémices d’un nouveau cycle, ou simplement un rebond ponctuel porté par les aides publiques et un regain d’intérêt ciblé ? Éléments de réponse.

 

Par Y. Seddik

A fin mars 2025, l’encours des crédits accordés aux promoteurs immobiliers s’élève à 58 milliards de dirhams, en hausse de 5,6% sur un an. Une progression notable après une longue période de contraction, marquée par la frilosité des banques, la baisse de la demande et le recul des mises en chantier. En une année, ce sont plus de 3 milliards de dirhams de financements additionnels qui ont été injectés dans la promotion immobilière.

«Ce rebond est incontestable. Il traduit un changement d’attitude des établissements bancaires vis-à-vis d’un secteur qu’ils ont longtemps considéré à risque», souligne Hicham Mouline, économiste et analyste spécialisé du secteur immobilier.

«Mais il reste circonscrit à certains segments: les projets maîtrisés, bien situés, et qui bénéficient d’un ancrage dans la demande réelle», ajoute-t-il. Plusieurs facteurs expliquent cette reprise après un long cycle baissier. Tout d’abord, le programme d’aide directe au logement, lancé début 2024, joue indéniablement un rôle d’amplificateur. Selon les derniers chiffres communiqués par la ministre de tutelle Fatima-Zahra Mansouri, 128.528 demandes ont été enregistrées, dont 48.000 déjà validées. L’enveloppe globale mobilisée atteint 3,8 milliards de dirhams, avec une répartition quasi équilibrée entre les bénéficiaires de l’aide de 70.000 DH (54%) et ceux de 100.000 DH (46%).

«Ce programme a généré un regain d’intérêt sur certains segments, notamment les logements ciblés par l’aide, ce qui sécurise une partie des projets en amont et favorise leur financement», explique H. Mouline. La visibilité offerte par cette mesure incite certains promoteurs à ressortir des dossiers gelés depuis 2022.

Un environnement de crédit encore sélectif

Malgré ce signal positif, le contexte reste globalement prudent. À fin mars, la croissance globale du crédit au secteur non financier s’établit à 3,9%, portée par une accélération des prêts à l’équipement (+9,8%) et des facilités de trésorerie (+3,8%). En revanche, les crédits immobiliers dans leur ensemble (habitat + promotion) progressent modestement de 2,7%, ce qui traduit une stagnation de la demande résidentielle classique. «Le rebond est clairement porté par l’offre, plus que par la demande finale», note notre interlocuteur.

«Les banques restent prudentes, mais elles ont renoué avec certains dossiers dès lors qu’un socle de demande aidée ou solvable est identifié. De leur côté, les particuliers également restent méfiants. L’inflation passée, les coûts de construction élevés, et les incertitudes économiques ont laissé des traces. C’est pourquoi la reprise est d’abord tirée par les professionnels, notamment ceux qui anticipent une amélioration future de la demande», note notre interlocuteur. En effet, après des années de prudence, les banques rouvrent progressivement les vannes du crédit, mais sans prendre de risques inconsidérés.

«On n’est pas sur une dynamique d’extension massive du crédit. Les dossiers sont passés au crible, et seuls les projets qui cochent toutes les cases obtiennent des financements : autorisations, pré-commercialisation, solvabilité des acquéreurs potentiels, etc. On est dans une logique de financement sélectif, presque chirurgical», précise Hicham Mouline. Les cicatrices laissées par les années 2020-2022 (et même avant) avec leur lot de chantiers arrêtés, de ventes en berne et de créances en souffrance restent fraîches. Bien que le ratio de ces dernières ait légèrement reculé à 8,4% à fin mars, il demeure élevé et pousse les banques à rester vigilantes.

La Mourabaha poursuit

Du côté de l’habitat, les crédits progressent lentement (+2,3%). Mais ce sont les financements participatifs, et plus précisément la Mourabaha immobilière, qui continuent de se distinguer. L’encours atteint désormais plus de 25,8 milliards de dirhams, en hausse de près de 16,2% sur un an. «Ce mode de financement attire une clientèle nouvelle, souvent écartée du crédit classique, et contribue à maintenir un certain dynamisme sur le segment résidentiel», analyse Hicham Mouline. Les encours de la Mourabaha immobilière représentent désormais un peu plus de 10% des encours globaux des crédits habitat.

En d’autres termes : 1 client sur 10 a recours à la Mourabaha immobilière pour financer l’acquisition de sa maison. Quoiqu’il en soit, le retour en territoire positif des crédits à la promotion immobilière est une bonne nouvelle, mais il ne suffit pas, à ce stade, à parler de reprise généralisée.

«C’est un redémarrage en pointillé, concentré sur des zones bien identifiées et des acteurs solides», résume notre analyste. Le secteur reste très dépendant du calibrage des politiques publiques, du rythme de mise en œuvre des aides et de la confiance des ménages dans le futur. Les signaux positifs (programmes publics, prévision de reprise économique à l’horizon 2030, légère détente monétaire) ne sont pas encore synchronisés avec une dynamique de demande suffisamment forte.

Pour que le rebond actuel se transforme en véritable redémarrage, il faudra encore réunir plusieurs conditions : visibilité réglementaire, retour de la demande solvable et environnement financier stable. D’ici là, le mot d’ordre reste la sélectivité autant chez les promoteurs que chez leurs financeurs. 

 

 

 

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