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Réforme fiscale : le Maroc consolide les acquis d’un chantier majeur

Réforme fiscale : le Maroc consolide les acquis d’un chantier majeur

Cinq ans après son lancement, la réforme fiscale livre ses effets. Les recettes du Trésor ont bondi de 100 milliards de dirhams depuis 2020 et devraient atteindre 370 milliards en 2026, soit près de 19% du PIB.

 

Par Y. Seddik

Lancée en 2021 dans le cadre d’une refonte globale des finances publiques, la réforme fiscale aborde sa phase finale. Cinq ans après son lancement, les résultats sont au rendez-vous. Entre 2020 et 2024, les recettes fiscales sont passées de 199 à 299 milliards de dirhams, soit une progression de 100 milliards en quatre ans. Les projections du ministère des Finances pour 2026 font état d’un nouveau palier à 370 milliards de DH, représentant près de 19% du PIB, contre 17,4% en 2020.

Une performance inédite dans l’histoire budgétaire du pays. Cette montée en puissance reflète la réforme des trois principaux leviers de la fiscalité : la TVA, l’impôt sur les sociétés (IS) et l’impôt sur le revenu (IR). «La nouvelle méthode de collecte de la TVA introduite dans les dernières Lois de Finances a amélioré sensiblement le rendement du Trésor», a souligné Mohamed Chouki, président du groupe parlementaire du RNI, lors d’une récente réunion de la Commission des finances. Il a salué une réforme «prônée et actée» par le gouvernement, rappelant que «les faits ont donné tort à ceux qui s’y opposaient».

Les chiffres lui donnent raison : les recettes de l’IS sont passées de 48,8 milliards de DH en 2020 à 70 milliards en 2024, la TVA de 56 à 89 milliards (+59%) et l’IR à près de 60 milliards, grâce à un meilleur recensement des professions libérales et des indépendants. Les exonérations fiscales, longtemps décriées, ont reculé de 36,9 milliards de DH en 2023 à 32,1 milliards en 2024. L’élargissement de la base et la simplification des procédures via la Contribution professionnelle unique (CPU) ont renforcé l’adhésion au système.

Pour Abdelaziz Lahlou, directeur Économie au sein d'Attijari Global Research, «cette progression trouve son origine notamment dans le réaménagement des taux de TVA et de l’IS, l’élargissement de la base des contribuables et la réduction des exonérations fiscales. Leur volume recule de 13%, passant de 36,9 milliards de DH en 2023 à 32,1 milliards en 2024. Le Trésor a ainsi développé une base solide de revenus récurrents. Ceci est la traduction d’un processus de réduction des niches fiscales et d’élargissement de la base des contribuables. Le secteur public vient également renforcer ses revenus par les recettes non fiscales qui atteignent, à leur tour, un pic de 4,4% du PIB».

Par ailleurs, l’un des points forts de la réforme réside dans la réaffectation des nouvelles ressources. Selon Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget, les gains issus de la réforme ont été intégralement réinvestis dans les priorités sociales. 44 milliards de DH ont financé les engagements issus du dialogue social, 35 milliards de DH ont été destinés aux aides directes pour les ménages vulnérables, et 19,5 milliards de DH ont été consacrés à la généralisation de la couverture médicale.

Une trajectoire saluée à l’international

La réforme fiscale a également renforcé la crédibilité du Maroc auprès de ses partenaires. Le FMI, la Banque mondiale et l’Union européenne soulignent les avancées du Royaume en matière de gouvernance budgétaire. Le rapport PEFA sur la transparence et la performance des finances publiques confirme la solidité du cadre de gestion. Mohamed Chouki a également tenu à écarter les inquiétudes liées à la dette.

«Nous ne faisons pas face à un problème de dette extérieure. Elle reste majoritairement concessionnelle et ne représente qu’un quart de la dette du Trésor», a-t-il précisé. Le Maroc a procédé, en mars 2025, à une émission d’eurobonds de 2 milliards d’euros, les premières en Euros depuis 2020, sursouscrites pour un total de 11 milliards d’euros, un indicateur fort de confiance des marchés dans la signature souveraine marocaine. Malgré ces performances, plusieurs équilibres demeurent sous tension.

La masse salariale publique, à hauteur de 11% du PIB, limite les marges budgétaires. Les dépenses de compensation, stabilisées à 17 milliards de DH, appellent un ciblage plus fin pour éviter les effets d’aubaine. Par ailleurs, la transition démographique s’impose comme un enjeu majeur : le ralentissement de la croissance de la population et le vieillissement accéléré posent la question de la viabilité du système de retraite et du financement de la santé publique.

À un an de son terme, la réforme fiscale s’impose comme l’un des chantiers les plus aboutis de la décennie. Elle a permis d’élargir la base fiscale, de rationaliser les dépenses et de rétablir une équité entre les contribuables. L’enjeu, désormais, sera de pérenniser ces acquis tout en poursuivant l’effort de simplification et de ciblage. 

 

 

 

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