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Risques climatiques : la Banque centrale pose les bases d’une supervision verte

Risques climatiques : la Banque centrale pose les bases d’une supervision verte

À mesure que les enjeux environnementaux s’invitent dans les équilibres financiers, la régulation bancaire évolue. Bank Al-Maghrib confirme son engagement à intégrer les risques climatiques et environnementaux dans son dispositif prudentiel.

 

Par Y. Seddik

Les risques liés au changement climatique peuvent être classés en deux types. D’une part, les risques physiques, liés aux événements extrêmes ou aux évolutions chroniques du climat (sécheresse, montée des températures, inondations), qui affectent directement les actifs et la solvabilité des emprunteurs. D’autre part, les risques de transition, découlant de l’évolution réglementaire, fiscale ou technologique vers une économie bas carbone, qui peuvent impacter certains secteurs d’activité (énergie, transports, immobilier).

Ces risques, encore peu modélisés par les banques marocaines, sont susceptibles d’engendrer des pertes de crédit, des dépréciations d’actifs, voire des déséquilibres systémiques. BAM estime qu’un cadre de supervision renforcé est nécessaire pour inciter les établissements à intégrer ces paramètres dans leur gouvernance, leur appétit pour le risque et leurs stratégies d’octroi de crédit. Bank Al-Maghrib est membre du Réseau des Banques centrales et superviseurs pour le verdissement du système financier (NGFS) depuis 2019.

À ce titre, elle s’aligne sur les recommandations de ce réseau, qui promeut l’intégration graduelle des risques ESG dans la supervision bancaire. En 2024, BAM a poursuivi ses travaux dans trois directions principales. Premièrement, la sensibilisation des établissements via des circulaires, ateliers et échanges techniques sur les bonnes pratiques internationales. Vient ensuite l’auto-évaluation qualitative des dispositifs de gouvernance des risques climatiques dans les principales banques du pays.

Et puis, la préparation à la mise en œuvre de stress tests climatiques, à l’horizon 2025, en s’appuyant sur des scénarios NGFS. Le rapport mentionne également la coordination avec le ministère de la Transition énergétique et d'autres acteurs publics pour structurer une taxonomie verte nationale, qui permettra d’identifier les activités compatibles avec les objectifs climatiques du Royaume.

 

Un encadrement prudentiel en construction

Pour l’heure, aucun ratio réglementaire spécifique n’intègre encore directement les risques climatiques dans les exigences de fonds propres. Mais Bank Al-Maghrib travaille à une révision progressive de son approche SREP (Supervisory Review and Evaluation Process), afin d’y introduire des indicateurs ESG. Cette orientation suppose une montée en compétence des équipes de supervision, ainsi que l’adaptation des reportings réglementaires.

BAM envisage de demander aux établissements, à moyen terme, la publication de données relatives à leurs expositions carbone, à la part verte de leur portefeuille et à leur stratégie de décarbonation. La difficulté réside dans la disponibilité des données et leur standardisation. À ce titre, Bank Al-Maghrib soutient les efforts d’harmonisation des disclosures extra-financiers à l’échelle régionale, notamment à travers des coopérations avec les autres Banques centrales africaines.

 

Des enjeux d’allocation du crédit et de transition juste

L’intégration des risques climatiques dans la régulation bancaire ne se limite pas à un exercice de conformité. Elle soulève des enjeux fondamentaux d’allocation des ressources. BAM observe que certains secteurs à forte intensité carbone continuent de représenter une part significative des encours bancaires, alors même que les risques associés augmentent. Le régulateur cherche donc à encourager un redéploiement progressif des financements vers les secteurs à faible émission, sans provoquer de rupture de financement pour les acteurs économiques concernés.

Cette approche de «transition juste» repose sur la gradation des exigences, le dialogue avec les établissements et le développement d’outils d’incitation comme les garanties vertes ou les lignes de refinancement ciblées. Bank Al-Maghrib franchit une étape décisive dans la reconnaissance des risques environnementaux comme composante structurante de la supervision bancaire. Le chantier est encore en phase exploratoire, mais la trajectoire est claire : alignement progressif sur les standards internationaux, montée en compétence des superviseurs et mobilisation des données ESG.

 

 

 

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