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CBAM – Décarbonation - Agriculture durable : le pacte vert Maroc-UE se précise

CBAM – Décarbonation - Agriculture durable : le pacte vert Maroc-UE se précise

Partenaire stratégique du Maroc en matière de transition verte et de la troisième édition du Carrefour vert, l’Union européenne multiplie les initiatives de soutien aux projets durables. Dans cet entretien, Matilde Ceravolo, Cheffe de la section économie-environnement à la délégation de l’Union européenne au Maroc, revient sur les motivations de l’UE à accompagner des événements autour de l’économie verte, clarifie les contours du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et détaille les principaux projets verts soutenus au Maroc, notamment dans l’agriculture durable et la décarbonation industrielle.

 

Propos recueillis par Désy M.

Finances News Hebdo : Ma première question, c’est surtout votre participation ici. Dans quel contexte êtes-vous partenaire de cet événement ?

Matilde Ceravolo : L'Union européenne cofinance ce programme mis en place par cinq agences des Nations unies. L'Union européenne, mais aussi plusieurs de nos États membres, sont bailleurs de ce programme parce que nous croyons profondément en la transition verte et au fait que l'économie peut et doit se transformer en un modèle plus durable, qui assure la gestion de nos ressources, lesquelles ne sont pas infinies. Il s’agit de pouvoir récupérer et utiliser les ressources que nous avons à disposition de la manière la plus efficace, pour que cela puisse perdurer pour les générations futures. Et donc de créer des emplois dès maintenant, des emplois verts qui sont, en général, de qualité pour nos jeunes, mais aussi de garantir que la planète soit encore là pour les générations à venir.

 

F. N. H. : L’UE prévoit une taxe carbone aux frontières, le MACF ou CBAM, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, qui entrera en vigueur en 2026. Comment la délégation de l'Union européenne au Maroc aide-t-elle les industries marocaines à se mettre au pas ?

M. C. : Tout d’abord, une précision. Pour nous, il ne s'agit pas d'une taxe, parce que ce n'est pas quelque chose de payable sur tous les produits qui rentrent. C'est vraiment un mécanisme d'ajustement aux frontières. Pourquoi justement? Parce que les entreprises à l'intérieur de l'Union européenne fonctionnent déjà sur un mécanisme d’émissions carbone. Il y a donc une limite aux émissions qu'une industrie peut émettre à l'intérieur de l'Union européenne, et l'industrie qui dépasse cette limite doit payer à l'État pour financer des programmes de reconversion verte. Ce que nous voulons éviter, c’est que les entreprises se délocalisent juste en dehors des frontières et continuent de polluer l’air que nous respirons tous, mais simplement de l’autre côté de la frontière, afin d’échapper au mécanisme ETS de l'Union européenne.

L’ajustement vise donc à créer une base équivalente, à mettre tout le monde sur un pied d’égalité. Que vous produisiez à l'intérieur de l'Union européenne ou à l’extérieur, vous ne pouvez pas dépasser le niveau d'émission. Lorsqu'une entreprise marocaine exportera vers l'Union européenne ou, pour être plus précise, lorsqu’une entreprise européenne importera des produits du Maroc, elle devra payer le CBAM, le mécanisme d'ajustement carbone, uniquement si le contenu carbone dépasse le seuil permis, qui est assez bas pour l’instant en 2026. Bien sûr, l’idée est de le relever progressivement afin d’éliminer le carbone sur le marché. En ce qui concerne notre action au Maroc, le mécanisme CBAM a commencé à être mis en place depuis quelques années et il est entré en vigueur le 1er janvier 2025. Pour l’instant, les entreprises ne doivent pas payer, mais simplement commencer à déclarer leurs émissions : c’est une phase test. Cela se met en place très progressivement. C’est un processus que nous apprenons à maîtriser et que nous voulons apprendre avec nos partenaires. Le Maroc fait partie d’un groupe sélect de partenaires qui participent à toute cette procédure, en tant qu’observateurs. Ils participent aux réunions des experts CBAM, qui définissent les détails du mécanisme, afin que le Maroc dispose, d’une part, de l’information actualisée le plus tôt possible, et d’autre part, puisse faire un retour sur les impacts qu’il subit à cause de ce mécanisme. Ainsi, s’il y a des effets négatifs sur les entreprises, nous pouvons en être informés et intervenir.

À Rabat, depuis deux ans, nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet avec toutes les institutions. Nous avons expliqué le CBAM, sa mise en œuvre, les acteurs concernés, etc. Il y a beaucoup de «fake news» à ce sujet. C’est-à-dire qu’on pense souvent que le CBAM va toucher tout le monde, alors qu’en réalité seules certaines industries précises et ciblées sont concernées. À l’avenir, peut-être que nous élargirons le champ d’application, mais il ne sera jamais étendu à l’agriculture, qui n’est pas couverte par l’ETS. Nous resterons dans les limites du système ETS, qui est le mécanisme applicable à l’intérieur de l’Union européenne. Il ne s’agit pas d’aller au-delà de cela. Nous avons tenté de bien l’expliquer, d’aider les entreprises à se préparer. Nous avons également travaillé avec le Maroc sur la possibilité de mettre en place une taxe carbone nationale. Un tel mécanisme enverrait un message très clair à l’économie et à l’industrie marocaines : il faut décarboner. De plus, cela permettrait que les ressources financières générées par ce mécanisme restent au Maroc, au lieu d’être transférées à l’Europe. Cela créerait des revenus pour l’État marocain. C’est une réflexion en cours au Maroc. D’ailleurs, dans le projet de Loi de Finances 2025, il y avait déjà une première esquisse d’une taxe carbone, qui a été reportée à l’année suivante. Ce report est tout à fait raisonnable : les autorités marocaines abordent le sujet avec prudence. Toute mesure fiscale, comme une taxe, doit être soigneusement évaluée pour en mesurer l’impact sur le tissu entrepreneurial. Il faut donc y aller progressivement. Mais la vision est bien là. Le Maroc est un pays qui a une stratégie bas carbone, une vision à long terme. J’ai toute confiance que, le moment venu, cela sera mis en œuvre.

 

F. N. H. : Dans le cadre du partenariat Maroc-UE, votre structure investit énormément dans le financement de différents projets verts marocains, que ce soit en matière d’agriculture durable ou de transition verte. Pouvez-vous nous énumérer quelques projets phares sur lesquels l’Union européenne travaille actuellement avec le Maroc ?

M. C. : Oui. Dans le cadre du Partenariat vert, il ne s’agit pas uniquement de coopération financière. C’est d’abord une vision politique, une coopération technique, des échanges sur les politiques publiques, qui sont ensuite suivis par des projets concrets. Nous avons, par exemple, un important programme d’appui budgétaire à la stratégie «Génération Green». C’est le programme «Terre verte», qui soutient le ministère de l’Agriculture et les acteurs économiques du secteur agricole dans tous les aspects de la transition verte. Il s’agit d’un programme de 115 millions d’euros, si je ne me trompe pas. Nous avons également un programme dans le secteur de l’énergie, qui accompagne la politique publique de transition énergétique. Il comprend aussi des programmes de soutien aux investissements dans les énergies renouvelables, comme le programme Nassim pour les éoliennes, ou encore le renforcement du réseau électrique, afin qu’il puisse absorber davantage d’énergies renouvelables. Nous y engageons des financements importants, pour permettre la mise en place de ces infrastructures et ainsi offrir aux entreprises un accès à une énergie décarbonée, moins coûteuse, avec un impact moindre sur leur facture carbone.

Le plus récent de nos programmes est le programme «Économie verte», récemment adopté par la Commission européenne pour un montant de 88 millions d’euros. Ce programme vise à soutenir la décarbonation, l’économie circulaire, et à mettre en place, concrètement, des filières d’énergie et d’économie circulaire, où les ressources, en fin de cycle, redeviennent des ressources. Enfin, les programmes qui peuvent intéresser les entrepreneurs sont ceux destinés directement aux PME. Nous les mettons en œuvre à travers les banques commerciales: Bank of Africa, Crédit du Maroc, Société Générale… Les entrepreneurs qui vous lisent peuvent se rapprocher de leur agence bancaire et demander s’il existe un produit pour la décarbonation ou pour l’économie verte.

Dans ce cas, l’Union européenne peut financer des subventions à l’investissement, lorsqu’une entreprise souhaite acquérir un équipement moins énergivore, éviter le plastique, ou installer un système de recyclage des déchets; de l’assistance technique, c’est-à-dire des experts qui aident à élaborer un business plan, à aller plus loin dans la stratégie; un accompagnement dans les aspects liés à la gouvernance : renforcement de l’entreprise, participation des femmes, responsabilité sociale et environnementale, préparation à une introduction en Bourse ou à l’accueil d’investisseurs. Et enfin, des garanties permettant aux entrepreneurs de recourir à l’endettement ou de mobiliser des ressources sur le marché, tout en étant couverts en partie par l’Union européenne, ce qui réduit leur risque et les encourage à franchir le pas. Nous sommes là, un peu, en mode «sécurité». 

 

 

 

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