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Énergie : Plus que jamais, le Maroc doit muscler ses infrastructures vertes

Énergie : Plus que jamais, le Maroc doit muscler ses infrastructures vertes

Le spectre d’une crise pétrolière due aux tensions au Moyen-Orient pourrait menacer la stabilité économique du Maroc, importateur de plus de 90% de ses besoins énergétiques. Seuls une accélération de la transition vers les énergies renouvelables et le renforcement des capacités de stockage peuvent protéger le Royaume des soubresauts géopolitiques.

 

Par Désy M.

Le Maroc se trouve à la croisée des chemins énergétiques, tiraillé entre des tensions géopolitiques persistantes et l’impératif d’une transition crédible vers les énergies renouvelables. À l’heure où les incertitudes planent encore malgré un cessez-le-feu annoncé entre l’Iran et Israël, et que les menaces iraniennes sur le détroit d’Ormuz jettent une ombre préoccupante sur les marchés mondiaux, le spectre d’une flambée du prix du baril à 130 ou 140 USD fait frémir les économies importatrices comme le Maroc. Pour un pays qui importe plus de 90% de ses besoins énergétiques, cette volatilité ne relève pas de la théorie abstraite, mais d’une menace bien réelle pour la stabilité économique et sociale. Selon les derniers chiffres, la facture énergétique 2024 du Royaume s’est établie à 114 milliards de dirhams, en retrait de 6,5% en valeur, mais en progression en volume, confirmant une dépendance croissante aux importations.

Cette situation pèse lourdement, représentant près de 8% du PIB consacré aux achats de produits énergétiques dominés par le pétrole, utilisés massivement dans le transport, l’industrie et l’agriculture. «Le Royaume importe plus de 90% de ses besoins énergétiques. Une crise prolongée aurait des répercussions sévères sur l’économie nationale et le pouvoir d’achat des ménages», alerte Mohamed Boiti, consultant en transition énergétique et décarbonation, rappelant que l’exposition géographique à des régions instables accroît le risque d’un choc brutal qui viendrait éroder la résilience économique.

Vers une résilience énergétique par les énergies renouvelables

Pour rompre avec cette dépendance, l’expert plaide pour une montée en puissance décisive des EnR. Le Royaume a déjà mis en œuvre des projets structurants, notamment le complexe solaire Noor Ouarzazate, inauguré en 2016 et déployé sur plus de 3.000 ha avec plusieurs technologies solaires complémentaires; les parcs éoliens tels que Tarfaya (300 MW) et d’autres sites dans le nord; et un ambitieux programme d’hydrogène vert chiffré à 32,5 milliards de dollars visant la production d’ammoniac vert, d’acier et de carburants bas carbone. Toutefois, Boiti insiste: «Ces projets témoignent de notre capacité à innover, mais face aux fluctuations du marché mondial des hydrocarbures et à l’instabilité géopolitique dans le Golfe, le Maroc doit passer à la vitesse supérieure».

Gérer la variabilité de ces EnR est un défi technique et financier probant. C’est pourquoi, en parallèle, le Royaume a lancé plusieurs initiatives de stockage qui pourraient permettre de soutenir la viabilité électrique produite par les énergies renouvelables et ainsi faire face en cas d’escalade de la crise. On peut citer la mise en œuvre récente de la plateforme Morocco Energy Storage Testbed Project, portée par l’Agence marocaine pour l’énergie durable (MASEN). Ou encore l’exploitation des importantes réserves de phosphate pour développer des batteries lithium-ion à haute densité énergétique, à faible auto-décharge et longue durée de vie. Il y a aussi le projet HVDC reliant Dakhla à Casablanca pour transporter 3.000 MW d’électricité verte sur 1.400 km; et le recours à des centrales thermiques à gaz en appoint pour stabiliser le réseau en cas de baisse de la production renouvelable. Mohamed Boiti explique que «l’accélération des investissements dans le stockage et la flexibilité est cruciale pour que les EnR passent de statut de compléments à celui de pilier fiable de notre mix énergétique».

Par ailleurs, la gouvernance et la souveraineté technologique doivent être repensées. Il s’agit de réorienter les subventions des énergies fossiles vers les technologies propres, d’encourager les partenariats public-privé pour soutenir les projets solaires, éoliens et de stockage, et d’investir dans la fabrication locale de panneaux et de batteries. Il est aussi essentiel d’impliquer les acteurs locaux par la décentralisation de la production. Les micro-projets solaires dans l’agriculture, la cogénération industrielle et l’autoproduction dans les zones urbaines et rurales créent un maillage énergétique plus résilient et participatif. «Réformer la fiscalité énergétique et sensibiliser les ménages et entreprises à l’efficacité énergétique sont des mesures urgentes», ajoute Boiti. En outre, diversifier les approvisionnements fossiles restants, par exemple en multipliant les sources de GNL hors du Moyen-Orient, peut offrir une couverture transitoire, mais ne constitue pas une solution pérenne. Le cœur de la stratégie doit être de réduire progressivement la part des hydrocarbures, tout en consolidant des infrastructures vertes robustes.

Si le Maroc réussit ce tournant, il pourra transformer la crise géopolitique en opportunités : affirmer un leadership régional en exportant de l’électricité verte, valoriser son atout géographique et ses ressources naturelles (soleil, vent, phosphate), et créer un modèle économique moins soumis aux soubresauts des marchés pétroliers. Mais, comme le conclut Mohamed Boiti, «tant que les hydrocarbures continueront de dicter notre destin énergétique, le Maroc restera exposé aux vents de la géopolitique».

 

 

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