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En 2022, nous faudra-t-il craindre l’inflation ?

En 2022, nous faudra-t-il craindre l’inflation ?

L’année 2021 a été marquée par la plus grande crise énergétique mondiale de ces 20 dernières années, notamment concernant le gaz naturel dont les cours n’ont cessé de grimper tout au long de l’année pour atteindre en moins de 10 mois une augmentation record de 204%, selon l’index des prix du gaz naturel de la Banque mondiale.

 

Les conséquences économiques autant que politiques et géopolitiques ne se sont pas fait attendre.
En Turquie, après plusieurs dépréciations de la Livre turque pour soutenir les exportations, et face au refus d’Erdogan d’augmenter les taux directeurs, l’inflation «officielle» qui était déjà importante dans le pays, a connu une augmentation fulgurante en 2021 pour atteindre 36%, soit 7 fois plus que l’objectif officiel. Certains experts turcs parlent même d’une vraie inflation de 80%. En plus des défaillances structurelles de l’économie turque et de l’ingérence permanente du politique dans la politique monétaire, la crise énergétique y est pour quelque chose, sachant que la Turquie est un importateur net d’hydrocarbures dont le gaz naturel. Cette inflation  qualifiée d’«importée» se traduit en inflation du coût de l’électricité, des coûts de transport et de production.
 
Au Kazakhstan, la volonté du président Kassym-Jomart Tokaïev de libéraliser les prix d’un certain nombre de produits dont le gaz naturel liquéfié a donné lieu dimanche dernier à un doublement du prix de ce carburant utilisé par 80% des automobiles dans le pays. La réaction de la population fut immédiate. Des mouvements de contestations et de révoltes se sont déchaînés dans tout le sud du pays avec quelques centaines de morts dont une vingtaine de policiers. Là encore, le pays était déjà confronté à une inflation importante des produits de première nécessité, mais le doublement du prix du gaz a été la goutte qui a fait déborder le vase.
 
En Europe, cette crise a eu un impact en apparence moins brutal mais qui n’en demeure pas moins encore latent. Le pire est peut-être à venir. En plein hiver, l’augmentation rapide du prix du gaz et de l’électricité a été en partie amortie par des aides octroyées par certains gouvernements directement aux ménages. Mais le danger réside ailleurs. Car en raison des différentes politiques monétaires accommodantes menées par la principale Banque centrale occidentale dont la Banque Centrale Européenne depuis 2008, la baisse continue des taux directeurs a très rapidement atteint des niveaux se situant entre 0 et 0,5%. Confrontées aujourd’hui et pour la première fois depuis 17 ans à une inflation se situant entre 4 et 5% dans la zone Euro notamment en raison de la crise énergétique, les banques européennes font face de plus en plus au cauchemar des taux négatifs, avec tous les risques que cela implique au niveau des bilans de ces dernières et de leur résilience face à une nouvelle crise.
 
Cependant, la crise énergétique autant que la pandémie du Covid-19 ont souvent bons dos dans bon nombre d’analyses ou de discours politiques. Ces dernières sont certes importantes, mais elles ne font en réalité que révéler des défaillances beaucoup plus profondes et des faiblesses structurelles longtemps occultées.
 
Qu’en est-il du Maroc ?
 
L’impact sur notre économie se situe à plusieurs niveaux. Premièrement, la balance commerciale et les réserves de change. Etant un importateur de gaz naturel, l’augmentation des cours à l’international ne peut qu’avoir un impact négatif sur le solde de notre balance commerciale, tout en exerçant une pression plus accrue sur nos réverses de change, le talon d’Achille de notre économie. Les conditions conciliantes pour le Maroc sur le marché de la dette à l’international ainsi que les mécanismes et les outils dont dispose notre pays auprès du FMI, comme la LPL, permettent pour l’instant d’offrir une certaine résilience à notre économie face à cette crise. Mais à quel prix et jusqu’à quand ? Car conciliante ou pas, une dette extérieure devra être remboursée et pèsera sur le budget de l’Etat. D’autant plus que nous ne sommes pas à l’abri d’une éventuelle dégradation de la note souveraine du Maroc, ou encore d’un changement des taux d’emprunt sur les marchés mondiaux de la dette. Rappelons que la dette n’est pas une baguette magique mais elle permet juste d’acheter du temps.
 
Deuxièmement, les cours du gaz et du pétrole étant étroitement corrélés, les citoyens marocains, consommateurs autant que producteurs, sont confrontés à une inflation qui au départ est importée, mais finit par prendre la forme d’une inflation concrète qu’ils perçoivent autant au niveau des pompes à essence qu’à celui du prix des biens de première nécessité. 
 
Officiellement, selon Bank Al-Maghrib, l’inflation qui fut de 0,7% en 2020, devrait se situer autour de 1,4% en 2021 et 2,1% en 2022 d'après ses prévisions. Si le niveau demeure faible, il est important de rappeler qu’il s’agit d’une moyenne, qui est ressentie et vécue très différemment selon le pouvoir d’achat de chaque catégorie socioprofessionnelle.
 
De même, si le prix de la bonbonne de gaz est encore fixe au Maroc, c’est parce que l’Etat prend en charge la différence, ce qui ne manque pas d’impacter le budget de l’Etat et d’aggraver le déficit budgétaire.
 
Deux grandes questions s’imposent
 
Cette crise énergétique est-elle passagère ou risque-t-elle de s’installer dans la durée ?
Si elle dure, le Maroc optera-t-il pour une libéralisation du prix du gaz au risque de laisser filer l’inflation et d’impacter négativement le pouvoir d’achat de millions de Marocains, ou va-t-il s’accrocher à une approche sociale et solidaire dans sa politique de prix, et ce quoiqu'il en coûte ?
 
Par-delà la dimension purement économique, cette question est avant tout éminemment politique. Une question qui risque très certainement d’animer et de susciter plusieurs débats durant cette année 2022.

 

Par Rachid Achachi

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