Le gouvernement a bâti le PLF 2026 autour de quatre priorités qui résument sa feuille de route : croissance, justice territoriale, État social et équilibre des comptes. L’investissement public reste l’arme principale du budget pour soutenir la croissance, avec une enveloppe record de 380 milliards de dirhams. Santé, école, emploi : le PLF tente de donner corps à des promesses devenues urgentes avec un effort de 140 milliards de dirhams.
Par Y. Seddik
En présentant le budget devant le Parlement en début de semaine, Nadia Fettah, ministre de l'Economie et des Finances, a défini les grands chantiers du prochain exercice. Le gouvernement mise sur la consolidation du tissu productif pour maintenir la dynamique d’émergence, tout en renforçant les programmes de développement régional. Le budget introduit une nouvelle génération de projets territoriaux, inspirés de la régionalisation avancée, destinés à corriger les déséquilibres entre zones urbaines et rurales.
Sur le plan social, la santé, l’éducation et la protection sociale concentrent une part croissante de la dépense publique. Le gouvernement veut aussi moderniser la gestion de la dépense à travers la réforme de la loi organique des finances (voir plus bas) et la rationalisation du secteur public.
L’ensemble esquisse un cap plus lisible qui est de stabiliser les comptes sans bloquer l’investissement, accélérer les réformes sans rompre l’équilibre. Pour sa part, l’investissement public, fixé à 380 milliards de dirhams, reste le principal levier de croissance. Le gouvernement y voit à la fois un moteur économique et un outil d’aménagement du territoire.
Les priorités sont connues : extension des aéroports, modernisation du réseau ferroviaire, développement de la flotte nationale, poursuite des chantiers portuaires de Nador West Med et de Dakhla Atlantique. Mais la nouveauté tient à l’approche spatiale, puisque les investissements devront désormais produire un impact territorial mesurable. Le Programme national de développement intégré des centres ruraux émergents, doté de 2,8 milliards de dirhams pour 36 centres pilotes, illustre cette volonté de réduire la fracture entre les zones urbaines et rurales.
La dimension sociale, pilier du budget 2026
Cette année, le PLF s’inscrit dans un moment où l’agenda social prend le devant de la scène. Les récentes revendications de la jeunesse autour de l’école, de la santé et du pouvoir d’achat ont fini par trouver écho dans la décision budgétaire. Le gouvernement y répond par un renforcement visible des moyens.
Les secteurs de la santé et de l’éducation se partagent 140 milliards de dirhams, soit 21 milliards de plus qu’en 2025, accompagnés de 27.000 recrutements. Les CHU d’Agadir et de Laâyoune doivent entrer en service, tandis que celui d’Ibn Sina à Rabat sera achevé. Le réseau des écoles pionnières s’étendra à de nouvelles régions, avec la généralisation du préscolaire comme objectif prioritaire.
Côté social, l’État financera les cotisations AMO de 11 millions de bénéficiaires pour un coût de 10,5 milliards de dirhams, et mobilisera 14 milliards pour stabiliser les prix et soutenir le pouvoir d’achat. Le volet social du budget s’appuie aussi sur plusieurs fonds : 36,5 milliards pour la protection sociale et la cohésion, 2 milliards pour l’emploi des jeunes, autant pour le financement des équipements et la lutte contre le chômage, ainsi que 5 milliards pour le développement territorial intégré. L’effort est conséquent, mais l’enjeu reste le même, à savoir passer du programme à la preuve.
Une gouvernance publique en mutation
Sur un autre volet, le gouvernement veut aussi faire évoluer les règles du jeu budgétaire. La réforme de la Loi organique des Finances vise à introduire davantage de transparence, à améliorer la soutenabilité de la dépense et à renforcer le rôle du Parlement.
Ce chantier s’inscrit dans une logique de performance publique et s’accompagne d’une digitalisation accrue de la gestion administrative. En toile de fond, un objectif: faire du budget un instrument de résultats, non plus seulement un cadre de dépenses. Au final, si les chantiers annoncés prennent corps, le gouvernement pourra revendiquer un virage social assumé. Dans le cas contraire, 2026 risque de ressembler à un exercice d’équilibre de plus, solide sur le papier, fragile dans la pratique. À suivre.