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Lutte contre l’inflation: le Maroc suit-il la bonne politique ?

Lutte contre l’inflation: le Maroc suit-il la bonne politique ?

L'inflation poursuit son inexorable hausse, avec un pic à 8% en août. Les mesures du gouvernement sont-elles suffisantes ?

Bank Al-Maghrib a-t-elle fait le bon choix en décidant d’augmenter son taux directeur ?

 

Par Y. Seddik 

«L’inflation est comme l’alcoolisme. Lorsqu’un homme se livre à une beuverie, le soir même cela lui fait du bien. Ce n’est que le lendemain qu’il se sent mal», écrivait l'économiste Milton Friedman dans son ouvrage ‘Inflation et systèmes monétaires’ publié en 1968. Une analogie qui correspond parfaitement à la situation actuelle où, depuis la crise sanitaire, les États ont déployé à coup de milliards des mesures budgétaires pour soutenir des économies alors en récession, alimentant de facto une spirale inflationniste.

Depuis, les Banques centrales ont enclenché un cycle de resserrement monétaire et les gouvernements ont mis en place des plans anti-inflation pour soutenir le pouvoir d’achat des citoyens, chacun selon ses moyens. Au Maroc, où le taux d’inflation atteint un pic à 8%, le gouvernement a appliqué certaines mesures pour assurer la stabilité des prix et soutenir le pouvoir d'achat des Marocains. Il s'agit principalement de l'ouverture de crédits supplémentaires, au titre de l'année 2022, de 16 milliards de DH afin de continuer à soutenir les charges de la caisse de compensation.

Il y a aussi le maintien de la paix sociale à travers la signature d'un accord dans le cadre du dialogue social conclu en avril 2022, notamment en augmentant le salaire minimum dans les secteurs de l'industrie, du commerce et du travail indépendant de 10% et dans le secteur agricole de 15% sur deux ans. A cela s'ajoutent l'augmentation du SMIG pour le secteur public à 3.500 DH, l'allocation d'un soutien exceptionnel de plus de 2 milliards de DH aux transporteurs au titre de l'année 2022, en vue d'assurer la stabilité du coût du transport pour les citoyens ainsi que du transport des marchandises, et tout récemment la revalorisation du niveau des pensions de retraite. Or, certains observateurs estiment que l’État peut aller plus loin en termes de soutien au pouvoir d’achat, jugeant que les mesures actuelles n’apportent pas des réponses concrètes aux problématiques liées à l’inflation. Toutefois, pour Omar Bakkou, économiste spécialiste des questions monétaires, «il faut essayer d’apporter un soutien mesuré et dosé. L’État ne doit pas chercher à compenser totalement l’augmentation des prix. Il faut qu’il y ait un mécanisme d’ajustement. C’està-dire que les citoyens et les ménages fassent jouer le mécanisme d’élasticité».

Pour lui,  le soutien au pouvoir d’achat ne doit pas être total parce qu’il se traduira par des impacts négatifs sur le budget, et cela peut même encore accélérer la propagation de l’inflation. «Dans les bonnes pratiques, il n’est pas conseillé de faire de l’indexation totale, parce que les inflations galopantes se produisent justement lorsque l’État essaie de contrer l’inflation via une indexation totale. C’est le cas du Brésil  actuellement», note-t-il. L’on comprend ainsi que si les revenus sont parfaitement indexés sur les prix, et si les prix suivent parfaitement les coûts salariaux, l’inflation peut devenir très forte. Et l’on risque même d’entrer dans une spirale prixsalaires.

 

L’outil monétaire à oublier ?

Après avoir écarté pendant longtemps la possibilité d’augmenter son taux directeur, BAM a finalement choisi de le faire passer de 1,5 à 2%. Si certains perçoivent cette hausse du taux directeur comme punitive parce qu’elle risque de casser la croissance, d’autres estiment qu’agir sur le taux est nécessaire pour protéger l’épargne et combattre l’inflation. Sur ce sujet, O. Bakkou nous explique que «la politique monétaire est un instrument d’ajustement des dépenses et de la demande. Et dans le cas marocain actuel, ce n’est pas une inflation due à l’augmentation interne de la demande par rapport à l’offre. Théoriquement, le type d’inflation qui doit être combattu par la politique monétaire, c’est lorsque la demande est supérieure à l’offre. Aujourd’hui, c’est une inflation importée. Si on la combat à travers une politique monétaire, on va encore aggraver l’offre, ce qui va se répercuter sur la croissance économique du pays».

Au final, le Maroc devrait encore demeurer fortement exposé à l'inflation cette année, avec un taux attendu à 6,3%, selon la Banque centrale. L’outil budgétaire, manié à bon escient, reste selon notre expert le meilleur moyen pour enrayer ce phénomène économique. Il faut «apporter un soutien ciblé aux couches de la population les plus vulnérables sans pour autant avoir l’obsession de compenser totalement la hausse des prix. Sur le plan monétaire, il faut temporiser  puisqu’il ne s’agit pas d’une inflation endogène, c’est-à-dire un surplus de la demande par rapport à l’offre», conclut-il.

 

 

 

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